Fibrillation auriculaire: remise en rythme sinusal ou ralentissement de la fréquence ventriculaire ?
Dans des études randomisées contrôlées chez des patients atteints de fibrillation auriculaire subjectivement peu incommodés par l’arythmie, la remise en rythme sinusal (rythm control , généralement par cardioversion électrique ou médicamenteuse) ne s’avère pas supérieure au ralentissement de la fréquence ventriculaire (rate control). Dans ces études randomisées, les deux interventions s’avéraient équivalentes en termes de mortalité et de morbidité cardio-vasculaire, que les patients soient insuffisants cardiaques ou non [voir aussi la Fiche de transparence "Prise en charge de la fibrillation auriculaire" et les Folia de janvier 2004 ]. Par conséquent, le ralentissement de la fréquence ventriculaire, généralement par un β-bloquant, est souvent appliqué chez les personnes âgées peu ou pas symptomatiques. Une étude d’observation récente menée chez 26.130 personnes âgées atteintes de fibrillation auriculaire [ Arch Intern Med 2012; 172: 997-1004 (doi:10.1001/archinternmed.2012.2266)], n’a pas non plus révélé de différence entre le ralentissement de la fréquence ventriculaire et la remise en rythme sinusal par des antiarythmiques pendant les 4 premières années du traitement, ce qui correspond à la durée des études randomisées. Lors du suivi jusqu’à 8 ans, un taux de mortalité plus faible a toutefois été constaté en cas de remise en rythme sinusal: 47,4% par rapport à 50,1% chez les patients ayant bénéficié d’un ralentissement de la fréquence ventriculaire, une différence statistiquement significative. Ces résultats doivent être interprétés avec la prudence requise. Les auteurs d’un éditorial se rapportant à cette étude [ Arch Intern Med 2012; 172: 983-4 (doi:10.1001/archinternmed. 2012.2332)], intitulé " Rate versus rhythm control in atrial fibrillation. Can observational data trump randomized trial results? ", cherchent à savoir pourquoi les résultats de cette étude d’observation diffèrent des résultats des études randomisées. Une étude d’observation est un modèle d’étude très sensible aux variables confondantes (confounding factors). Une variable confondante influence aussi bien l’exposition (p. ex. la prise d’un médicament) que le résultat (p. ex. un effet escompté ou un effet indésirable), et peut de ce fait affaiblir ou renforcer le lien entre l'exposition et le résultat [voir aussi Folia d' octobre 2005 ]. Dans ce cas-ci, le plus grand risque de biais provient, lors du choix entre la remise en rythme sinusal et le ralentissement de la réponse ventriculaire, du biais d’indication (confounding by indication). Ceci signifie que les patients présentant une forme plus sévère d’une maladie ont plus de chances de recevoir un traitement en particulier. Des résultats plus mauvais peuvent dès lors être attribués à tort à ce traitement. Dans cette étude d’observation, les patients traités par ralentissement de la fréquence ventriculaire étaient plus âgés que les patients traités par remise en rythme sinusal; ils présentaient plus de comorbidités et étaient moins souvent traités par la warfarine. Ceci peut avoir faussé de manière importante les résultats. La réalisation d’études randomisées (c.-à-d. dans lesquelles les patients sont répartis au hasard dans les différents bras de l’étude), permet d’éviter en grande partie la problématique des variables confondantes; les études randomisées constituent la référence pour évaluer les effets d’une intervention. Cette étude d’observation ne justifie donc pas de revoir les recommandations concernant la prise en charge de la fibrillation auriculaire: le ralentissement de la fréquence ventriculaire constitue une bonne prise en charge pour bon nombre de patients; la remise en rythme sinusal peut être indiquée chez les personnes très symptomatiques ou chez les patients plus jeunes présentant un premier épisode de fibrillation auriculaire. |