Prise en charge des expositions accidentelles au sang et à d’autres liquides biologiques
Abstract |
Le personnel travaillant dans le secteur des soins de santé est fréquemment exposé au risque de contamination virale suite à une exposition accidentelle au sang ou à d’autres liquides biologiques. Il s’agit généralement du virus de l’hépatite B (VHB), du virus de l’hépatite C (VHC) ou du virus de l’immunodéficience humaine (VIH). La prise en charge des expositions accidentelles, telle que décrite dans cet article, est basée sur les recommandations récentes du Conseil Supérieur de la Santé à ce sujet. Les mesures visant à diminuer le risque d’une exposition sont bien entendu essentielles; par ailleurs, il est nécessaire de vacciner systématiquement contre le VHB les personnes travaillant dans le secteur des soins de santé. Après une exposition accidentelle au sang ou à d’autres liquides biologiques, il n’est pas nécessaire de recourir systématiquement à des mesures de prévention; leur intérêt dépend du virus concerné, du statut sérologique de la personne source et de la personne exposée, de la nature de l’exposition et du liquide biologique en question. La prophylaxie de l’hépatite B après une exposition consiste en l’administration du vaccin contre l’hépatite B et éventuellement d’immunoglobulines spécifiques contre l’hépatite B. Il n’existe pas de vaccin ni de traitement prophylactique contre l’hépatite C, et seule une surveillance sera effectuée. La prophylaxie de l’infection par le VIH après une exposition consiste en une thérapie antirétrovirale.
Selon le risque de contamination virale, il peut être indiqué de suivre la personne exposée jusqu’à 6 à12 mois après l’exposition.
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Le Conseil Supérieur de la Santé a publié en 2011 des recommandations concernant la prise en charge des expositions accidentelles au sang et à d’autres liquides biologiques. Le présent article résume ces recommandations. Quelques remarques complémentaires, basées sur d’autres sources ou sur l’avis d’experts, ont été ajoutées sous forme de " notes de la rédaction ".
Les personnes travaillant dans le secteur des soins de santé (p.ex. personnel médical et personnel soignant, équipe de nettoyage) sont fréquemment exposées au risque d’être contaminées par un virus suite à une exposition au sang ou à d’autres liquides biologiques (généralement suite à des blessures percutanées, mais également suite à un contact au niveau des muqueuses, des yeux ou d’une peau lésée). Le risque infectieux concerne surtout le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), le virus de l’hépatite C (VHC) et le virus de l’hépatite B (VHB). Le risque de contamination virale est déterminé essentiellement par:
- la nature de l’exposition: le risque est élevé par exemple en cas de perforation ou de ponction profonde de la peau avec une aiguille creuse utilisée récemment ou un objet tranchant visiblement contaminé par du sang, ou en cas de contact prolongé des muqueuses ou de la peau lésée avec une quantité significative de liquide biologique potentiellement infecté;
- la charge virale de la personne source;
- le statut sérologique de la personne exposée;
- le liquide biologique en question: le risque est élevé avec des liquides biologiques tels que le sang, le sperme ou les sécrétions génitales. En revanche, la salive, les larmes et les urines ne sont pas des sources de contamination pour autant qu’elles ne contiennent pas de sang.
Le risque d’infection après une exposition percutanée au sang d’un patient infecté est faible pour le VIH; ce risque est un peu plus élevé dans le cas du VHC et il est le plus important dans le cas du VHB, lorsque la personne exposée n’est pas vaccinée.
Des mesures de précaution générales (p.ex. concernant la manipulation et la collecte des aiguilles, l’hygiène des mains, le port de gants) sont essentielles pour diminuer le risque d’exposition.
- La première étape en cas de blessure percutanée consiste à laver soigneusement et de manière prolongée la plaie à l’eau et au savon et à la désinfecter avec une solution ou un gel hydroalcoolique, de l’alcool à 70° ou une solution antiseptique à base d’alcool (p.ex. à base de povidone iodée ou de chlorhexidine) [n.d.l.r.: l’efficacité d’une telle désinfection n’est cependant que peu étayée]. Il est déconseillé de faire saigner la plaie et d’utiliser des solutions irritantes comme l’eau de javel ou la teinture d’iode. En cas de projection sur les muqueuses et conjonctives, il convient de rincer immédiatement et abondamment à l’eau ou avec une solution physiologique.
- Chez la personne source , il convient de déterminer aussi rapidement que possible les sérologies VHB, VHC et VIH. Pour le VIH, on effectue à la fois un test en urgence (résultat disponible dans les premières heures) et un test de confirmation (résultat disponible après 48 à 72 heures). La personne source doit en principe donner son consentement. [N.d.l.r.: le consentement peut également être obtenu auprès des parents si le sujet est mineur, ou du représentant légal. Lorsque le consentement pour l’analyse d’un échantillon existant n’est pas donné ou ne peut être obtenu, la procédure à suivre n’est pas claire].
- Chez la personne exposée , on peut décider, en fonction des circonstances, de déterminer la sérologie VHB, VHC et/ou VIH et de réaliser un test de grossesse [n.d.l.r.: la détermination de la sérologie se fait souvent dans le cadre de la médecine du travail ou d’une assurance médicale].
- La nécessité d’instaurer un traitement prophylactique ou d’effectuer une vaccination chez la personne exposée dépend du virus concerné, du statut sérologique de la personne source et de la personne exposée, des circonstances de l’exposition et des liquides biologiques en question. Le fait que la personne source appartienne à un groupe à risque pour le VHB ou le VIH peut influencer la décision d’instaurer un traitement prophylactique ou de procéder à une vaccination chez la personne exposée; parmi les groupes à risque, on compte entre autres les hommes homosexuels et bisexuels, les consommateurs de drogues par voie IV, les prostitué(e)s et autres personnes ayant plusieurs partenaires sexuels, ainsi que les personnes en provenance de régions à forte prévalence de VIH ou de VHB.
- Tant qu’une infection n’a pas été définitivement exclue chez la personne exposée, tout contact sexuel non protégé est à déconseiller et le don du sang doit être évité.
La nécessité d’une prophylaxie de l’hépatite B dépend entre autres du statut immunitaire de la personne exposée.
- Si la personne exposée a été vaccinée contre l’hépatite B et qu’un taux d’anticorps anti-HBs ≥ 10 UI/L a été constaté au moins une fois, aucun traitement prophylactique n’est nécessaire.
- Si la personne exposée a été vaccinée contre l’hépatite B mais qu’un taux d’anticorps anti- HBs >10 UI/L n’a jamais été constaté, il convient de consulter un spécialiste qui jugera de la nécessité d’administrer le vaccin et/ou des immunoglobulines spécifiques contre l’hépatite B.
- Si la personne exposée n’a jamais été vaccinée, il convient également de consulter un spécialiste qui jugera de la nécessité d’administrer le vaccin et/ou des immunoglobulines spécifiques contre l’hépatite B.
[N.d.l.r.: si la personne exposée a déjà fait une hépatite B, aucun traitement prophylactique n’est nécessaire].
Le vaccin et les immunoglobulines peuvent être administrés simultanément mais en des endroits distincts.
Lorsqu’un traitement prophylactique s’avère nécessaire, il sera instauré de préférence dans un délai de 24 à 48 heures après l’exposition, mais il peut être encore utile jusqu’au 7 e jour.
Si l’on décide de vacciner, il convient de déterminer le taux d’anticorps anti-HBs 2 mois après la dernière dose, ou plus tard si des immunoglobulines ont également été administrées. Lorsque l’exposition comporte un risque élevé, on s’assurera en outre de l’absence d’infection par le VHB 6 mois après l’accident.
Il n’existe pas de vaccin ni de traitement prophylactique contre l’hépatite C. Un suivi clinique et biologique de la personne exposée est recommandé jusqu’à 6 mois après l’accident afin de détecter précocement une infection par le VHC et de permettre une prise en charge optimale.
Une thérapie antirétrovirale prophylactique diminue le risque de contamination par le VIH, mais l’efficacité n’est pas absolue. [N.d.l.r.: les preuves d’efficacité d’un tel traitement prophylactique reposent principalement sur 1 étude cas-témoins dans laquelle le risque de séroconversion après une exposition accidentelle était 5 fois moins élevé chez les personnes traitées avec de la zidovudine que chez les personnes non traitées].
Un traitement éventuel doit être administré le plus rapidement possible (idéalement dans les premières heures, au plus tard dans les 72 heures) et doit être poursuivi pendant 28 jours.
Si la personne source est infectée par le VIH, une prophylaxie antirétrovirale est recommandée chez la personne exposée, même si la personne source reçoit une thérapie antirétrovirale et que la charge virale n’est pas détectable.
Lorsque le test VIH réalisé en urgence chez la personne source s’avère positif, un traitement antirétroviral doit être immédiatement instauré chez la personne exposée. La décision de poursuivre ou non le traitement dépendra des résultats du test de confirmation.
Le choix du traitement prophylactique doit tenir compte du traitement de la personne source, avec également une attention particulière en ce qui concerne d’éventuels problèmes de résistance; il convient en outre d’être attentif aux interactions médicamenteuses potentielles. Le schéma de traitement prophylactique après une exposition doit être discuté avec un expert et consiste généralement en une trithérapie par deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse et un inhibiteur de la protéase virale en association au ritonavir. Les effets indésirables des antirétroviraux lors d’un traitement d’un mois sont surtout gastro-intestinaux: diarrhée, nausées, vomissements, anorexie.
Il est important d’assurer un suivi clinique et sérologique de la personne exposée en raison des effets indésirables liés aux antirétroviraux et afin de vérifier l’observance thérapeutique, mais aussi pour détecter une infection éventuelle, même s’il a été décidé de ne pas instaurer de traitement prophylactique. En effet, en cas d’infection récente de la personne source, la sérologie VIH peut être encore négative (période fenêtre avant la séroconversion). La personne exposée doit être suivie jusqu’à 6 mois après l’exposition (sérologie VIH après 6 semaines, 3 mois et 6 mois); si la personne source est également infectée par le VHC, la personne exposée devra être suivie jusqu’à 12 mois après l’exposition pour surveiller le statut VIH.
- Recommandations en matière de prévention des accidents d’exposition au sang et autres liquides biologiques dans les institutions de soins. Conseil Supérieur de la Santé, publication n°8429, mai 2011 (
www.health.belgium.be/internet2Prd/groups/public/@public/@shc/documents/ie2divers/19070417_fr.pdf ).
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Expositions au HIV par contact avec des liquides biologiques.
La Revue Prescrire 2011; 31: 918-24
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Expositions aux virus des hépatites B ou C par liquide biologique.
La Revue Prescrire 2012; 32: 124-58
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