Fausses couches à répétition: pas de preuves d’efficacité des antithrombotiques


Abstract

Chez les femmes enceintes ayant eu plusieurs fausses couches, un traitement antithrombotique est parfois instauré dans l’espoir de diminuer le risque d’une nouvelle fausse couche. Dans une étude randomisée récente contrôlée par placebo et menée dans cette population de femmes, aucun bénéfice n’a été démontré avec l’acide acétylsalicylique (en association ou non à la nadroparine) sur le nombre d’enfants nés vivants. Des études supplémentaires s’avèrent nécessaires avant d’appliquer systématiquement un traitement antithrombotique dans cette indication.

Un traitement antithrombotique est fréquemment recommandé chez les femmes enceintes ayant fait plusieurs fausses couches, dans l’espoir de diminuer le risque d’une nouvelle fausse couche.

Cette recommandation repose sur plusieurs constats: le lien entre les fausses couches à répétition et la thrombophilie (c.-à-d. la prédisposition, héréditaire ou acquise, à la thrombo-embolie veineuse), l’efficacité du traitement antithrombotique dans le syndrome des antiphospholipides (une forme acquise de la thrombophilie), et l’innocuité de l’acide acétylsalicylique et des héparines de bas poids moléculaire en période de grossesse. Il n’y a pas de preuves issues d’études randomisées démontrant un bénéfice d’un traitement antithrombotique dans cette population de femmes en termes d’augmentation du nombre d’enfants nés vivants. Une étude randomisée récente contrôlée par placebo, menée aux Pays-Bas (étude ALIFE), fournit maintenant davantage de données. L’étude a été menée auprès de 364 femmes ayant eu 2 fausses couches ou plus par le passé, désirant une grossesse ou enceintes de 6 semaines maximum au début de l' étude. Le traitement était le suivant:

  • soit un placebo;
  • soit l’acide acétylsalicylique à raison de 80 mg p.j.;
  • soit l’acide acétylsalicylique à raison de 80 mg p.j. auquel était ajouté la nadroparine (2.850 UI p.j.) dès qu’une grossesse viable (minimum 6 semaines) était constatée à l’échographie.

Le placebo ou l’acide acétylsalicylique était poursuivi jusqu’à 36 semaines de grossesse; la nadroparine était poursuivie jusqu’au début du travail.

L’étude a été interrompue lors d’une deuxième analyse intérimaire, étant donné qu’il n’y avait aucune différence entre les trois groupes en ce qui concerne le nombre d’enfants nés vivants (critère d’évaluation primaire; ce nombre variait de 51 à 57% dans les 3 groupes) et que l’on ne s’attendait pas à obtenir une différence en poursuivant l’étude.

Il n’y avait pas non plus de différence au niveau de l’incidence des fausses couches, de la mortalité foetale intra-utérine ou des complications obstétricales telles que la pré-éclampsie ou les naissances prématurées (critères d’évaluation secondaires). Même chez les femmes présentant une thrombophilie héréditaire (16% des femmes incluses, généralement due à une mutation du facteur V de Leiden), aucun bénéfice n’a été constaté en faveur du traitement antithrombotique, mais la puissance statistique de l’étude était pour cela insuffisante.

Selon l’auteur de l’éditorial se rapportant à l’étude, il paraît clair qu’un traitement antithrombotique ne doit pas être instauré systématiquement chez les femmes présentant des fausses couches à répétition inexpliquées; il est toutefois ajouté que des études supplémentaires sont souhaitables chez les femmes ayant eu au moins trois fausses couches par le passé, ainsi que chez les femmes présentant une thrombophilie.


Références

Greer IA.: Antithrombotic therapy for recurrent miscarriage? N Engl J Med 2010; 362: 1630-1

Kaandorp SP, Goddijn M, de der Post JAM, Hutten BA, Verhoeve HR et al.: Aspirin plus heparin or aspirine alone in women with recurrent miscarriage. N Engl J Med 2010; 362: 1586-96