Prise en charge initiale de l’épilepsie


Abstract

Chez bon nombre de patients ayant présenté pour la première fois une crise épileptique, une expectative semble justifiée au départ: le fait de ne pas instaurer immédiatement un traitement antiépileptique chronique ne semble pas influencer négativement l’évolution de l’épilepsie à long terme. Lorsqu’on décide d’instaurer un traitement chronique, le choix de l’antiépileptique dépendra entre autres du type d’épilepsie. Chez la femme, ce choix pose quelques problèmes spécifiques. Il n’est pas clairement établi à quel moment le traitement antiépileptique chronique peut être arrêté; cette décision doit être prise individuellement.

L’épilepsie se définit comme l’apparition d’au moins deux crises épileptiques ne pouvant pas être attribuées à des affections ou des circonstances sous-jacentes. Environ 70% des nouveaux cas d’épilepsie chez l’adulte sont des crises partielles (focales). Dans la plupart des cas, l’étiologie ces crises n’est pas connue. Le médecin étant rarement témoin des crises épileptiques, le diagnostic repose généralement sur une anamnèse rigoureuse, complétée par des tests spécifiques. Lorsque les crises surviennent dans le cadre par ex. de maladies métaboliques (p.ex. urémie, hypoglycémie, hyperglycémie, insuffisance hépatique), de maladies infectieuses (p.ex. méningite, encéphalite) ou d’intoxications médicamenteuses, un traitement antiépileptique s’avère parfois nécessaire temporairement, mais dans ce cas le traitement antiépileptique peut généralement être arrêté lorsque le patient est rétabli.


Instauration d’un traitement chronique après une première crise

La question de savoir si un traitement d’entretien doit déjà être instauré dès la première crise fait toujours l’objet de discussions. En l’absence de facteurs prédisposants (p.ex. une activité épileptiforme dans un tracé EEG ou une cause connue telle qu’un traumatisme crânien antérieur), 25% des patients seulement présenteront une nouvelle crise dans les deux ans, et même en présence des facteurs de risque précités, le risque d’une nouvelle crise dans les deux ans ne dépasse pas 40%. Des études randomisées réalisées chez des patients ayant présenté une seule crise ou des crises rares, ont montré que l’instauration immédiate d’un traitement diminue le risque d’une nouvelle crise dans la première et la deuxième année de 30 à 60% par rapport à ce qui a été observé lorsque le traitement est reporté jusqu’au moment d’une nouvelle crise; 3 à 5 ans après la randomisation, il n’y avait toutefois plus de différence entre les deux groupes en ce qui concerne la probabilité de ne plus présenter de crise pendant deux ans. Une expectative initiale ne semble donc pas influencer l’évolution à long terme de l’épilepsie, et paraît justifiée chez bon nombre de patients.

Un traitement antiépileptique chronique est presque toujours indiqué chez les patients chez lesquels le diagnostic d’épilepsie est bien établi.


Le choix de l’antiépileptique

Plusieurs nouveaux antiépileptiques ont été commercialisés ces dernières années, ce qui ne facilite pas le choix du traitement initial. [Les antiépileptiques disponibles ainsi que leurs principaux effets indésirables et interactions sont repris dans le Répertoire Commenté des Médicaments, chapitre 6.6.]

  • Les antiépileptiques tels que l’acide valproïque, la lamotrigine, le topiramate et le lévétiracétam constituent un bon choix initial chez la plupart des patients adultes, quel que soit le type de crise ou de syndrome.
  • Les antiépileptiques tels que la carbamazépine, la phénytoïne, la gabapentine, la tiagabine, l’oxcarbamazépine et la prégabaline sont à réserver aux patients atteints d’épilepsie focale caractérisée par des crises partielles ou des crises généralisées secondaires. Ces médicaments sont moins efficaces que les antiépileptiques précités dans les syndromes épileptiques généralisés idiopathiques (p.ex. l’épilepsie myoclonique juvénile et les absences chez l’enfant), et peuvent même aggraver certains types d’épilepsie chez ces patients.

Des études comparatives suggèrent que, dans les crises partielles, l’efficacité des différents antiépileptiques est comparable. Dans les crises généralisées, l’acide valproïque est probablement un meilleur choix que la lamotrigine ou le topiramate.

Le choix du traitement chez la femme pose des problèmes spécifiques.

  • Il existe un risque de tératogénicité, qui ne peut-être exclu avec aucun antiépileptique; le risque de malformations congénitales majeures est peut-être plus élevé avec l’acide valproïque qu’avec les autres antiépileptiques [voir aussi Folia de décembre 2006 ].
  • Par ailleurs, certains antiépileptiques, notamment la carbamazépine, la phénytoïne et les barbituriques et, dans une moindre mesure, l’oxcarbazépine et le topiramate, peuvent, par induction des isoenzymes CYP, diminuer l’efficacité des contraceptifs oraux.
  • Des données suggèrent que les taux plasmatiques de lamotrigine diminuent en cas d’utilisation de contraceptifs oraux ainsi que pendant la grossesse.
  • Enfin, des effets indésirables endocriniens, tel que le syndrome des ovaires polykystiques (caractérisé entre autres par des cycles menstruels irréguliers, une prise de poids et un hyperandrogénisme), sont décrits avec les antiépileptiques, principalement avec l’acide valproïque.

Arrêt du traitement antiépileptique

Il n’est pas clairement établi à quel moment un traitement antiépileptique chronique doit de préférence être arrêté. Chez les patients n’ayant plus présenté de crises pendant deux ans et chez lesquels le traitement antiépileptique avait été arrêté, l’incidence des récidives variait selon les études entre 12 et 66%. Sont considérés comme des facteurs de risque de récidives: l’apparition d’épilepsie au moment de l’adolescence, les crises partielles, un tracé EEG anormal, et des syndromes épileptiques spécifiques. La décision d’arrêter le traitement antiépileptique doit être prise individuellement en tenant compte aussi de l’avis du patient.


D’après

French JA en Pedley TA.: Initial management of epilepsy. N Engl J Med 2008; 359: 166-76