Prise en charge de la dyspepsie fonctionnelle


Abstract

Le traitement de la dyspepsie fonctionnelle (non ulcéreuse) est controversé et souvent décevant. Il consiste d’abord en des mesures générales et comportementales. Plusieurs médicaments sont proposés mais les preuves de leur efficacité sont limitées. En pratique générale, un traitement empirique par un inhibiteur de la sécrétion acide gastrique, p. ex. par un inhibiteur de la pompe à protons, peut être proposé pendant 4 à 8 semaines. Le rôle d’H. pylori dans la dyspepsie fonctionnelle n’est pas clair, et son éradication ne sera bénéfique au mieux que chez une minorité de patients. Une endoscopie est recommandée en présence de symptômes d’alarme (perte de poids inexpliquée, dysphagie, vomissements récurrents, masse abdominale, signes d’hémorragie gastro-intestinale) ou de symptômes persistants ou récurrents malgré le traitement.

La dyspepsie fonctionnelle, également appelée dyspepsie idiopathique ou non ulcéreuse, se définit par la présence de symptômes de dyspepsie persistants ou récurrents pendant au moins 12 semaines (consécutives ou non) au cours des 12 derniers mois, sans preuve d’une atteinte organique pouvant expliquer les symptômes, et sans relation évidente avec des modifications du transit intestinal. C’est la forme de dyspepsie la plus fréquemment rencontrée en pratique générale.

Cet article discute de la prise en charge de la dyspepsie fonctionnelle entre autres sur base des dernières recommandations émises par le National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) et l’American Gastroenterological Association (AGA).


Diagnostic

Il n’existe pas de test diagnostique spécifique pour la dyspepsie fonctionnelle. Le diagnostic repose dès lors sur l’histoire clinique et l’exclusion d’autres causes de dyspepsie. En pratique générale, il ne paraît cependant pas indiqué de recourir d’emblée au dépistage d’H. pylori ou à une endoscopie. Le dépistage d’H. pylori [n.d.l.r.: en Belgique, le plus souvent par endoscopie] se justifie en cas de symptômes persistants ou récurrents malgré un traitement symptomatique. Une endoscopie est certainement recommandée en présence de symptômes d’alarme (perte de poids inexpliquée, dysphagie, vomissements récurrents, masse abdominale, signes d’hémorragie gastro-intestinale). L’âge élevé, sans symptôme d’alarme, n’est pas en soi un argument suffisant pour justifier d’emblée une endoscopie.


Traitement

Le traitement de la dyspepsie fonctionnelle est controversé et souvent décevant. Il consiste davantage à atténuer les symptômes et à les faire accepter par le patient plutôt qu’à les supprimer. Plusieurs médicaments sont proposés dans le traitement de la dyspepsie fonctionnelle, mais les preuves de leur efficacité sont limitées. Comme dans la plupart des troubles gastro-intestinaux fonctionnels, il existe un effet placebo important. Lorsqu’un traitement médicamenteux est prescrit, il est préférable d’opter pour un traitement de courte durée ou intermittent, plutôt que pour un traitement continu de longue durée.


Mesures générales

La prise en charge de la dyspepsie fonctionnelle consiste avant tout en une approche comportementale visant à écouter et rassurer le patient. Il n’est pas prouvé que les mesures hygiéno-diététiques telles l’arrêt du tabagisme et la consommation modérée d’alcool et de café aient un impact sur les symptômes de dyspepsie. Les données disponibles ne permettent pas non plus de se prononcer quant à l’efficacité d’une approche psycho-sociale.


Inhibiteurs de la sécrétion acide gastrique

Plusieurs études et méta-analyses ont montré que l’inhibition de la sécrétion acide gastrique par un inhibiteur de la pompe à protons ou un antihistaminique H2 peut être efficace sur les symptômes de dyspepsie, surtout en présence de pyrosis. L’effet semble comparable avec les deux classes de médicaments. Pourtant, dans une étude récente réalisée chez des patients présentant des symptômes de dyspepsie et un test négatif pour H. pylori (ce qui correspond à la situation la plus fréquente en pratique générale), l’oméprazole (20 mg p.j.) est apparu plus efficace après 4 semaines que la ranitidine (150 mg 2 x p.j.). Après 6 mois, il n’y avait cependant plus de différence entre les deux traitements. En pratique, un traitement empirique par un inhibiteur de la sécrétion acide gastrique, p. ex. par un inhibiteur de la pompe à protons à faibles doses, peut être proposé pendant 4 à 8 semaines en cas de symptômes de dyspepsie persistants [n.d.l.r.: en Belgique, les inhibiteurs de la pompe à protons ne sont pas remboursés dans cette indication].


Eradication d’H. pylori

Le rôle d’H. pylori dans la dyspepsie fonctionnelle est controversé. D’après une revue Cochrane récente, l’éradication d’H. pylori peut avoir un effet bénéfique chez une minorité de patients atteints de dyspepsie fonctionnelle (number needed to treat = 18). Etant donné la faible prévalence d’H. pylori, le bénéfice limité et le risque d’effets indésirables d’un tel traitement, il ne paraît pas justifié de recourir systématiquement au dépistage et à l’éradication d’H. pylori, mais bien en cas de symptômes persistants ou récurrents malgré un traitement symptomatique.


Autres médicaments

Les données disponibles concernant les antacides, les gastroprocinétiques dompéridone et métoclopramide, et les antidépresseurs ne permettent pas de préciser leur rôle dans la prise en charge de la dyspepsie fonctionnelle.


Quelques références