Injections intra-articulaires en cas de gonarthrose

Dans le traitement de la gonarthrose, on a parfois recours à l’administration de médicaments par voie intra-articulaire, notamment de corticostéroïdes et d’acide hyaluronique (disponible en Belgique sous forme de spécialité: Hyalgan®). Deux méta-analyses concernant l’injection intra-articulaire de ces médicaments dans la gonarthrose ont été publiées récemment. Ces méta-analyses ont inclus des études randomisées contrôlées par placebo.

La méta-analyse concernant l’injection intra-articulaire d’acide hyaluronique [ JAMA 2004; 290: 3115-21 ] montre un effet limité de celui-ci (administré une fois par semaine pendant au moins 3 semaines) sur la douleur, mais les auteurs estiment qu’environ 80 % de l’effet est dû à l’effet placebo de l’injection intra-articulaire (voir aussi plus loin). Dans la plupart des études, le nombre de patients était restreint, et des biais de publication ont été suggérés, avec pour conséquence une surestimation probable de l’effet de l’acide hyaluronique. [Le biais de publication est un type de biais (c.-à-d. une faute systématique) résultant du fait que les études avec des résultats positifs ont plus de chances d’être publiées que celles avec des résultats négatifs ou "non significatifs"]. La revue Minerva [2003; 2: 130-32via www.minerva-ebm.be attire aussi l’attention sur l’acide hyaluronique dans la gonarthrose, et conclut: "En fonction du manque de preuve d’une supériorité convaincante par rapport au placebo et du prix sensiblement élevé des préparations, il n’existe actuellement pas de place déterminée pour les préparations d’acide hyaluronique dans l’algorithme de traitement des patients atteints de gonarthrose".

La méta-analyse concernant l’injection intra-articulaire de corticostéroïdes (à des doses équivalentes à 6,25- 80 mg de prednisolone) [ Brit Med J 2004; 328: 869-70 ] montre une amélioration des symptômes avec les corticostéroïdes, et ce durant environ deux semaines; un number needed to treat de 1,66 a été calculé: sur trois patients ayant reçu une injection intra-articulaire de corticostéroïdes, deux patients constataient encore une amélioration après 2 semaines. Dans les études acceptables d’un point de vue méthodologique ayant examiné l’effet à long terme, une amélioration symptomatique a encore été constatée après 16 à 24 semaines, avec un number needed to treat de 4,4. Ici aussi, les auteurs font remarquer que le nombre de patients par étude était limité, et que des biais de publication ne peuvent être exclus. Le nombre d’injections que les patients ont reçu dans les études n’est pas clairement mentionné dans la méta-analyse. Un nombre élevé d’injections de corticostéroïdes pourrait entraîner une atteinte du cartilage articulaire; la seule étude qui a examiné les effets indésirables à long terme n’a montré aucune différence entre la triamcinolone (40 mg tous les 3 mois pendant 2 ans) et le placebo quant à la diminution de l’espace interarticulaire après 2 ans.


Quelques remarques encore

  • Le traitement symptomatique de premier choix de la gonarthrose reste le paracétamol et éventuellement, en cas d’efficacité insuffisante ou de poussée inflammatoire, un anti-inflammatoire non stéroïdien. La directive de la Nederlands Huisartsen Genootschap [via http://nhg.artsennet.nl/upload/104/standaarden/M67/start.htm ] mentionne qu’en présence d’une poussée ou lorsque les mesures générales et les analgésiques ne suffisent pas à diminuer suffisamment la douleur, une injection intra-articulaire d’un glucocorticoïde, par exemple l’(hex)acétonide de triamcinolone ou la méthylprednisolone, peut être envisagée. Il est affirmé ensuite qu’on ne dispose que de peu de données sur la fréquence optimale des injections et sur les effets indésirables (généraux ou locaux). D’après un article publié dans Drug Safety [1999; 21: 353-65] , le risque d’effets généraux (p.ex. élévation de la tension artérielle, ostéoporose, rétention hydrique) est faible, mais réel.
  • Dans le Répertoire Commenté des Médicaments (édition 2004), il est mentionné que les corticostéroïdes suivants peuvent être administrés par voie intra-articulaire: bétaméthasone (Celestone®, Diprophos®), dexaméthasone (Aacidexam®), méthylprednisolone (Depo-Medrol®, Depo-Medrol + Lidocaïne®), triamcinolone (Albicort®, Kenacort A®, Lederspan®).
  • Dans une étude randomisée réalisée chez des patients souffrant de douleurs modérées à sévères après une arthroscopie du genou, l’injection intra-articulaire d’une solution de sérum physiologique a entraîné un soulagement satisfaisant de la douleur [ Anesth Analg 2004; 98: 1546-51 ]. Une injection d’un ml semble aussi efficace qu’une injection de 10 ml. D’après les auteurs, l’existence d’un effet placebo aussi marqué peut avoir des implications importantes dans l’interprétation des résultats des études contrôlées par placebo sur l’injection intra-articulaire d’analgésiques.