Place des immunomodulateurs dans la sclérose en plaques
La prise en charge de la sclérose en plaques (SEP) a déjà été discutée à plusieurs reprises dans les Folia, tant en ce qui concerne le traitement orienté en fonction des éventuels mécanismes pathogéniques que le traitement symptomatique [ Folia d’ août 1995 juillet 1996et novembre 1997. Comme mentionné dans les Folia de juillet 1996, l’évolution capricieuse de la SEP complique l’interprétation des résultats du traitement, et les progrès dans la prise en charge de la SEP dépendent de l’existence d’études cliniques rigoureuses. Ces dernières années, plusieurs études randomisées chez des patients atteints de SEP ont été publiées, notamment avec les immunomodulateurs; ces médicaments sont discutés ici. Les corticostéroïdes, qui constituent le traitement de premier choix des poussées, ne sont pas l’objet de cette discussion. Immunomodulateurs dans la SEP avec alternance de poussées et de rémissionsInterférons β-1a et β -1bLes interférons β-1a et β-1b ont été étudiés dans trois études randomisées contrôlées en double aveugle par placebo. Dans ces études, ces deux interférons ont diminué la gravité des rechutes ainsi que leur fréquence de 30 à 37% par an: 0,9 à 1,2 rechute par an dans le groupe placebo, versus 0,6 à 0,8 rechute par an dans le groupe traité par l’interféron β. Une réduction du nombre de lésions actives et un effet positif sur l’étendue de l’ensemble des lésions ont également été constatés à la résonance magnétique (IRM). Dans les études sur l’interféron β-1a, mais pas dans celle sur l’interféron β-1b, un effet favorable a été observé sur l’invalidité [n.d.l.r.: dans l’étude sur l’interféron β-1b, l’effet sur la progression de la maladie n’était cependant pas le critère d’évaluation primaire]. Il n’est toutefois pas exclu que cet effet de l’interféron β-1a sur l’invalidité soit d’avantage une conséquence de l’effet favorable sur la fréquence des rechutes - avec dès lors une moindre invalidité cumulée liée aux rechutes - qu’un effet spécifique sur la progression de la maladie. Les effets indésirables de l’interféron β-1a et de l’interféron β-1b consistent surtout en un syndrome grippal et des réactions locales survenant dans les 24 à 48 heures après l’injection sous-cutanée. Les effets indésirables rares sont: dépression, réactions d’hypersensibilité telles bronchospasme et réactions anaphylactiques, troubles hématologiques, élévation des concentrations plasmatiques des enzymes hépatiques. Des altérations symptomatiques de la fonction thyroïdienne ont été rarement rapportées. Chez environ un tiers des patients, apparaissent des anticorps neutralisants, surtout avec les préparations administrées par voie sous-cutanée; leur signification n’est pas claire. L’acétate de glatiramèreL’acétate de glatiramère - mentionné auparavant sous le nom de copolymère 1- est un polypeptide synthétique présentant une certaine similitude avec la protéine basique de la myéline. Dans les deux études contrôlées par placebo en double aveugle dans lesquelles l’acétate de glatiramère (20 mg p.j. en sous-cutané) a été administré pendant deux ans, une diminution du nombre d’exacerbations a été observée dans le groupe traité. Il n’est actuellement pas prouvé que l’acétate de glatiramère ait une influence sur la sévérité et la durée des rechutes, ou sur la progression de la maladie. Dans une étude distincte, ces données cliniques ont été confirmées par les images obtenues à la résonance magnétique; après 9 mois de traitement, une diminution du nombre de lésions cérébrales actives a été observée dans le groupe sous acétate de glatiramère par rapport au groupe placebo. A l’instar de l’interféron β, des réactions locales survenant 24 à 48 heures après l’injection sous-cutanée sont fréquemment rapportées avec l’acétate de glatiramère. Une réaction transitoire caractérisée e.a. par des palpitations, de la dyspnée et des bouffées de chaleur survenant immédiatement après l’injection est aussi fréquente. On ne dispose pas d’études rigoureuses comparant l’acétate de glatiramère et l’interféron β. Immunomodulateurs dans la SEP secondaire progressiveChez les patients avec une SEP secondaire progressive, trois études ont été réalisées jusqu’à présent, en particulier avec l’interféron β-1a et l’interféron β-1b. La première étude – l’European Betaferon Study réalisée avec le Betaferon (interféron β-1b) – a été interrompue prématurément en raison de l’effet favorable de l’interféron β-1b sur l’invalidité: chez les patients traités, une aggravation marquée de l’invalidité – à savoir 1 point sur l’échelle de Kurtzke (ou " expanded disability status scale " ou " EDSS ") – ne survenait que 9 à 12 mois plus tard. Cet effet sur l’invalidité n’a pas été confirmé dans les deux autres études, réalisées l’une avec l’interféron β-1a, et l’autre avec l’interféron β-1b. Dans ces deux études négatives, les patients étaient plus âgés, la durée de la maladie était plus longue et/ou le nombre de rechutes avant et/ou pendant l’étude était plus faible. Les auteurs de l’article du Lancet estiment que les résultats de l’European Betaferon Study seraient plutôt une conséquence de l’effet favorable sur les rechutes – avec dès lors une moindre invalidité cumulée liée aux rechutes – qu’un effet sur la progression de la maladie. Immunomodulateurs chez les patients à un stade précoce de la maladieEtant donné les résultats peu encourageants en ce qui concerne l’invalidité liée à la progression de la maladie, certains estiment que la principale question est de savoir si les immunomodulateurs – lorsqu’ils sont administrés à un stade précoce de la SEP – peuvent empêcher le processus inflammatoire responsable de l’évolution vers la phase secondaire. A ce sujet, deux études contrôlées par placebo ont été réalisées jusqu’à ce jour, en particulier avec l’interféron β-1a chez des patients qui ont présenté un premier épisode neurologique de démyélinisation (au niveau du nerf optique, de la moelle épinière, du tronc cérébral ou du cervelet), et qui présentent à la résonance magnétique des lésions cérébrales compatibles avec une SEP. Dans ces deux études, l’interféron β-1a a diminué le risque d’une deuxième rechute (dans la première pendant 2 ans, dans l’autre pendant 3 ans), mais il n’a pas eu d’influence sur l’invalidité. La durée d’étude était toutefois trop courte pour mettre en évidence un éventuel effet sur l’évolution vers la phase secondaire progressive de la maladie. Il n’est donc pas possible de répondre à la question de savoir si un traitement immunomodulateur précoce ralentit ou empêche la progression vers la phase secondaire progressive, et il faudra encore attendre des années avant d’en connaître la réponse. L’auteur d’un commentaire estime que si l’on admet que le traitement diminue le risque de rechute d’environ 1/3, et que la fréquence des rechutes est en moyenne de 0,5 par an, il faudrait traiter les patients comme ceux qui ont été inclus dans les deux études pendant 6 ans pour prévenir une seule rechute. Il attire l’attention sur les implications financières d’un tel traitement. DiversLa durée optimale d’un traitement par un interféron β ou l’acétate de glatiramère n’est pas connue. La décision d’interrompre le traitement doit être prise, selon les recommandations actuelles (par ex. les British Neurologists’ Guidelines), en fonction de facteurs comme la perte d’efficacité (par ex. augmentation du nombre de rechutes, évolution vers la phase progressive), l’apparition d’effets indésirables ou un éventuel désir de grossesse [n.d.l.r.: dans les notices des spécialités à base d’interféron β et d’acétate de glatiramère, la grossesse figure parmi les contre-indications; chez les femmes en âge de procréer, une méthode de contraception efficace est recommandée, et chez les femmes enceintes ou qui souhaitent le devenir, le traitement sera interrompu]. D’après
Noms de spécialitésGlatiramère (acétate): Copaxone Interféron β-1a: Avonex Rebif Interféron β-1b: Betaferon
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