Bêta-bloquants dans l’insuffisance cardiaque
Les Folia de février 2000 ont attiré l’attention sur l’usage de β-bloquants dans l’insuffisance cardiaque, avec discussion des études CIBIS-II et MERIT-HF. Dans la conclusion de cet article, il est mentionné que l’usage de β-bloquants peut être recommandé chez des patients avec une insuffisance cardiaque stable, légère à modérée [New York Heart Association (NYHA) classes II et III] et un dysfonctionnement systolique ventriculaire gauche. Peu de données étaient disponibles à ce moment-là quant à l’usage de β-bloquants chez des patients avec une insuffisance cardiaque systolique grave. En 2001, les résultats de deux études randomisées, en double aveugle, versus placebo concernant l’usage de β-bloquants chez de tels patients ont été publiés: l’étude BEST (avec le bucindolol) et l’étude Copernicus (avec le carvédilol). Les patients inclus dans ces études présentaient une insuffisance cardiaque grave (classes NYHA III et IV) et recevaient déjà un traitement adéquat conventionnel (notamment un IECA, un diurétique). Les patients non stables (par ex. décompensation clinique) ont été exclus des deux études.
Les résultats de l’ étude BEST amènent à suggérer que les β-bloquants ne sont pas tous efficaces en cas d’insuffisance cardiaque. Seuls les β-bloquants pour lesquels une diminution de la morbidité et de la mortalité en cas d’insuffisance cardiaque a été démontrée dans des études de grande échelle, peuvent être conseillés: le métoprolol (succinate de métoprolol sous forme de préparation à libération prolongée) et le bisoprolol pour l’insuffisance cardiaque systolique légère à modérée, le carvédilol pour l’insuffisance cardiaque systolique légère, modérée et grave. Dès l’obtention d’une dose d’entretien efficace, il faut tâcher de garder cette dose en raison du risque d’aggravation en cas d’interruption brusque du β-bloquant. L’apparition d’une décompensation clinique ne justifie pas l’arrêt de la dose du β-bloquant; une diminution de la dose du β-bloquant ou son arrêt n’est indiquée que lorsque la décompensation ne répond pas au traitement classique. Quelques restrictions importantes subsistent néanmoins. Des contre-indications quant à l’usage d’un β-bloquant sont présentes chez beaucoup de patients, telles que décompensation réfractaire, bronchopneumopathie obstructive, troubles importants de la conductibilité (bloc AV de 2ème ou 3ème degré), bradycardie symptomatique ou hypotension symptomatique. L’instauration d’un traitement par β-bloquants, qui doit se faire très progressivement, exige de l’expérience et le risque de détérioration clinique subsiste. Chez un certain nombre de patients qui ne peuvent pas être identifiés pour le moment, les β-bloquants n’ont aucun effet. Les études cliniques réalisées ne fournissent pas assez de données non plus sur des patients avec un dysfonctionnement asymptomatique du ventricule gauche, des personnes très âgées, ou des patients présentant une insuffisance cardiaque et une fonction systolique normale. Dans toutes les études sur les β-bloquants, réalisées chez des patients présentant une insuffisance cardiaque, la plupart de ceux-ci étaient déjà traités par digitaliques, diurétiques et/ou IECA, de sorte qu’aucun avis ne peut être émis concernant les β-bloquants comme premier choix. D’après
Noms de spécialitésBisoprolol: Emconcor Isoten Bucindolol: (non disponible en Belgique) Carvédilol: Dimitone Kredex Succinate de métoprolol: (sous forme de préparation à libération prolongée) Selozok
A propos des données actuellement disponibles sur l’efficacité des β-bloquants dans l’insuffisance cardiaque, il nous semble opportun d’émettre les considérations suivantes. Les études réalisées jusqu’à présent concernent le carvédilol (dans l’insuffisance cardiaque légère, modérée et grave), le bisoprolol et le métoprolol (dans l’insuffisance cardiaque légère à modérée), et le bucindolol (dans l’insuffisance cardiaque grave). Les résultats négatifs obtenus avec le bucindolol tendent à montrer que l’extrapolation des effets favorables du carvédilol, du bisoprolol et du métoprolol à d’autres β-bloquants ne va pas de soi. Il vaut donc mieux utiliser les β-bloquants pour lesquels l’efficacité dans l’insuffisance cardiaque a été prouvée. Une révision des notices belges des spécialités à base de bisoprolol, carvédilol et métoprolol montrent que les indications mentionnées concernant l’usage dans l’insuffisance cardiaque, ne correspondent pas toujours aux recommandations ci-dessus. Dans la notice de Selozok (succinate de métroprolol sous forme de préparation à libération prolongée), l’insuffisance cardiaque n’est pas mentionnée comme indication, tandis qu’elle l’est dans la notice de Seloken (tartrate de métoprolol), un sel n’ayant pas fait l’objet d’études de mortalité. Le médecin doit être conscient de sa responsabilité sur le plan médico-légal en cas de prescription d’un médicament pour une indication non mentionnée dans la notice. |