Prise en charge du phénomène de Raynaud


Abstract

La prise en charge du phénomène de Raynaud est empirique et consiste essentiellement en des mesures générales. Dans les formes légères, des mesures telles l’arrêt du tabagisme et une protection contre le froid sont souvent suffisantes. Dans certains cas de phénomène de Raynaud primaire et dans de nombreux cas secondaires, un traitement médicamenteux s’avère aussi nécessaire. Les antagonistes du calcium, parmi lesquels la nifédipine est la substance la plus étudiée, sont les médicaments de premier choix. Des résultats favorables ont aussi été obtenus avec d’autres substances, mais celles-ci sont encore pour le moment au stade expérimental. Il a été démontré que l’allopurinol, le sélénium, le β-carotène, la vitamine C et la vitamine E ne sont pas efficaces.

Le phénomène de Raynaud consiste en des vasospasmes épisodiques, récurrents et prolongés au niveau des doigts et des orteils, souvent provoqués par l’exposition au froid.

  • Dans le phénomène de Raynaud primaire (appelé auparavant "maladie de Raynaud"), on ne retrouve pas d’affection sous-jacente.
  • La forme secondaire (appelée auparavant "syndrome de Raynaud"), est associée à une affection sous-jacente telle une affection auto-immune (surtout la sclérodermie) ou à la prise de médicaments tels les dérivés de l’ergot, les antitumoraux, les β-bloquants. Certaines conditions de travail peuvent aussi jouer un rôle.

Cette distinction est importante étant donné que le pronostic, la gravité et le traitement sont parfois différents. La prise en charge de cette affection est empirique et consiste surtout en des mesures générales.


Mesures générales

Celles-ci suffisent le plus souvent dans les formes légères de Raynaud. Arrêter de fumer, éviter l’exposition au froid et se protéger efficacement de celui-ci (pas seulement les mains et les pieds) sont des mesures importantes. Il convient en outre d’éviter des substances favorisant la vasoconstriction telles les β-bloquants, les dérivés de l’ergot et les décongestionnants.


Traitement médicamenteux

Dans certains cas de phénomène de Raynaud primaire et dans la plupart des cas de Raynaud secondaire, outre les mesures générales, un traitement médicamenteux est également indiqué. Ce traitement, dont le but est de provoquer une vasodilatation, est souvent plus efficace dans le phénomène de Raynaud primaire que secondaire.

Les antagonistes du calcium sont le premier choix. La nifédipine est la substance la plus étudiée et la plus utilisée, mais d’autres dihydropyridines (amlodipine, isradipine, nicardipine et félodipine) semblent aussi efficaces. Les dihydropyridines sont à préférer en raison de leur effet sélectif sur les muscles lisses vasculaires et leurs faibles effets sur la fonction cardiaque. La dose de départ de la nifédipine est faible, et elle peut être progressivement augmentée; dans les cas réfractaires, la dose d’entretien peut être supérieure à 60 mg p.j. [n.d.l.r.: pour la nifédipine, il est préférable d’utiliser des préparations à libération prolongée étant donné que les préparations à libération normale (non prolongée) peuvent provoquer une baisse brutale de la tension artérielle avec risque d’hypoperfusion coronarienne et de tachycardie réflexe, voir Folia de mai 1996].Les antagonistes du calcium peuvent provoquer un oedème malléolaire.

Certaines données suggèrent que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et les sartans pourraient aussi être efficaces.

Les dérivés nitrés par voie transdermique peuvent également être utiles, tant dans le phénomène de Raynaud primaire que secondaire, mais leur utilisation est limitée par leurs effets indésirables, en particulier les céphalées.

En ce qui concerne la kétansérine, un antagoniste des récepteurs de la sérotonine, les effets favorables observés surtout chez les patients présentant un phénomène de Raynaud associé à une sclérodermie, ont été remis en question dans une méta-analyse récente.

Certaines données suggèrent aussi un rôle possible des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine.

Dans des cas graves, surtout dans les formes secondaires, une ischémie et une thrombose peuvent survenir au niveau des doigts. Il est suggéré que l’administration d’ altéplase, un thrombolytique, suivie d’une anticoagulation de longue durée, peut avoir un effet favorable et entraîner la guérison complète des ulcères au niveau des doigts. Dans une petite étude, une amélioration des symptômes a été observée avec les héparines de faible poids moléculaire chez des patients avec un phénomène de Raynaud réfractaire. Dans l’attente de données supplémentaires, il n’y a toutefois pas lieu d’administrer systématiquement un traitement anticoagulant, et le rôle de celui-ci sera certainement faible dans la plupart des cas de Raynaud primaire.

Des rapports anecdotiques indiquent un effet favorable des estrogènes, mais leur efficacité n’a été démontrée dans aucune étude randomisée, contrôlée par placebo. Pour d’autres traitements tels le sélénium, le β-carotène, la vitamine C, la vitamine E et l’allopurinol, il est prouvé qu’ils ne sont pas efficaces.


Chirurgie

Le traitement chirurgical, qui consiste généralement en une sympathectomie digitale, est réservé aux patients présentant un phénomène de Raynaud grave et réfractaire.

J.A. Block en W. Sequeira: Raynaud’s phenomenon. Lancet 357 : 2042-2048(2001)