• Message clé.
    Une vaste étude de cohorte rétrospective menée aux États-Unis a révélé un risque de mortalité accru chez les patients atteints de dépression qui avaient reçu un antipsychotique en plus de l’antidépresseur qu’ils prenaient déjà, par rapport aux patients qui avaient reçu un deuxième antidépresseur1,2. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer s’il existe une relation causale.

  • En quoi cette étude est-elle importante ?

    • Des études randomisées ont montré que l’utilisation d’antipsychotiques atypiques dans le cadre d’une démence avec troubles du comportement augmente le risque de mortalité. Suite à cela, des avertissements ont été ajoutés dans les notices de tous les antipsychotiques, notamment aux États-Unis et en Europe, pour mettre en garde contre les risques liés à leur utilisation dans la démence.

    • L’objectif de l’étude discutée ici était de vérifier s’il y avait une augmentation du risque de mortalité chez les adultes âgés de 25 à 64 ans atteints de dépression lorsque leur traitement par antidépresseur était complété par un antipsychotique atypique. L’analyse était basée sur des données rassemblées entre 2001 et 2010. À cette époque, la FDA américaine recommandait d’administrer un antipsychotique « récent » (atypique) en traitement adjuvant  chez les patients dépressifs ayant répondu de façon insuffisante à un antidépresseur en monothérapie. L’ajout d’un deuxième antidépresseur au traitement de base n’était pas recommandé à l’époque, mais il s’agissait d’une pratique courante.
       

  • Protocole de l’étude

    • Étude de cohorte rétrospective s’appuyant sur des données d’enregistrement recueillies auprès d’environ 40.000 adultes (âgés de 25 à 64 ans) ayant reçu un diagnostic de dépression, à qui l’on avait prescrit des antidépresseurs pendant au moins trois mois et qui avaient ensuite reçu en traitement adjuvant un antipsychotique atypique ou un deuxième antidépresseur.

    • Le critère d’évaluation primaire de l’étude était le taux de mortalité.

      – Des données de Medicaid, recueillies auprès de 39.582 patients (âgés de 25 à 64 ans, 78 % de femmes) ayant reçu un diagnostic de dépression entre 2001 et 2010, ont été liées aux données de mortalité du National Death Index.
      – Les patients atteints de schizophrénie, de dépression psychotique ou de troubles bipolaires, ainsi que les patients sous clozapine, ont été exclus de l’analyse.
      – Les patients étaient déjà traités avec un antidépresseur pendant trois mois ou plus. L’ajout d’un antipsychotique atypique au traitement antidépresseur (n = 22.410) a été comparé à l’ajout d’un deuxième antidépresseur (n = 17.172).
      – Les patients ont été suivis depuis le début de la thérapie combinée jusqu’à ce que l’un des critères d’évaluation suivants ait été atteint : décès, perte du statut Medicaid, arrêt de la thérapie combinée, thérapie combinée pendant un an.
      – Les facteurs de confusion suivants ont été corrigés dans l’analyse : facteurs socio-démographiques, diagnostic et historique des traitements médicamenteux, recours aux soins de santé.
  • Résultats en bref

    • Chez les patients dont l’antidépresseur avait été complété par un antipsychotique atypique (la quétiapine, la rispéridone, l’aripiprazole et l’olanzapine étaient les plus couramment prescrits), on a observé un risque de mortalité accru dans l’année suivant l’initiation de l’antipsychotique atypique, par rapport aux patients ayant reçu un deuxième antidépresseur (rapport de hasards ajusté 1,45 ; IC à 95 % de 1,02 à 2,06).

    • Une analyse par cause de décès a montré une augmentation statistiquement significative du risque de mort naturelle et de décès non lié au cancer, mais pas du risque de décès non naturel (p.ex. suicide, accidents). Une surmortalité due à une cause non naturelle aurait pu indiquer un « biais », à savoir que les antipsychotiques étaient plus facilement prescrits à des patients agités et suicidaires.

      Incidence : 138,1 décès pour 10.000 années-patients après l’ajout d’un antipsychotique, contre 83,8 décès pour 10.000 années-patients après l’ajout d’un deuxième antidépresseur.
      Analyse en sous-groupes par cause de décès :
      – décès naturel : rapport de hasards ajusté 1,58 (IC à 95 % de 1,02 à 2,45)
      – décès non lié au cancer : rapport de hasards ajusté 1,65 (IC à 95 % de 1,05 à 2,60)
      – décès non naturel : rapport de hasards ajusté 1,21 (IC à 95 % 0,63 à 2,34).
  • Limites de l’étude

    • L’étude n’est pas randomisée et se base en outre sur des données de dossiers qui ont été acquises de manière rétroactive et qui n’ont pas été rassemblées en fonction du sujet de recherche.

    • Vu le nombre peu élevé de décès dans la population étudiée, on n’a pas pu réaliser une analyse détaillée par cause de décès. Par conséquent, cette étude ne permet pas de comprendre les mécanismes biologiques qui pourraient être à l’origine du risque de mortalité accru.

  • Commentaire du CBIP

    • Aussi bien dans le chapitre 10.3 du Répertoire Commenté des Médicaments que dans le guideline belge « La dépression chez l’adulte »3 , les antipsychotiques (classiques et atypiques) sont déconseillés dans le traitement de la dépression en première ligne.

    • Chez les patients atteints de démence, une légère augmentation du risque de mortalité a également été observée suite à l’utilisation d’antipsychotiques classiques4,5. On ne dispose pas de données concernant l’innocuité des antipsychotiques classiques chez les patients atteints de dépression.

Sources

Yager J. Risk for death when augmenting antidepressants with antipsychotics. NEJM Journal Watch Psychiatry 2020, October 9.
Gerhard T, Stroup TS, Correll CU, et al. Mortality risk of antipsychotic augmentation for adult depression. PLoS One 2020, September 30. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0239206
3 Declercq T, Habraken H, van den Ameele H, Callens J, De Lepeleire J, Cloetens H. Recommandation de Bonne Pratique. La dépression chez l’adulte. Domus Medica 2017. Traduite par la Société Scientifique de Médecine Générale avec le soutien dus SPF SP.
4 https://www.ema.europa.eu/en/documents/other/questions-answers-review-use-conventional-antipsychotic-medicines-elderly-patients-dementia_en.pdf