Inhibiteurs de la 5α-réductase et risque de cancer de la prostate
Le finastéride et le dutastéride, deux inhibiteurs de la 5α-réductase, sont enregistrés pour le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate. Le rôle des androgènes dans le développement du cancer de la prostate est bien établi, et il a été suggéré que l’inhibition de la 5α-réductase, l’enzyme responsable de la transformation de la testostérone en dihydrotestostérone, pourrait réduire le taux d’androgènes dans la prostate et diminuer ainsi le risque de cancer de la prostate. Deux larges études randomisées contrôlées par placebo ont évalué l’effet d’un traitement par un inhibiteur de la 5α-réductase en prévention du cancer de la prostate chez des patients ayant un risque élevé de développer un cancer de la prostate (âge> 50 ans, taux élevé d’antigène prostatique spécifique (PSA)) mais chez qui un diagnostic de cancer de la prostate n’a pas été établi. La première étude (REDUCE) a évalué le dutastéride pendant 4 ans [ N Engl J Med 2010; 362: 1192-202 (doi:10.1056/NEJMoa0908127)] et la deuxième étude (PCPT) a évalué le finastéride pendant 7 ans [ N Engl J Med 2003; 349: 215-24 (doi:10.1056/NEJMoa030660)]. Les résultats de ces deux études ont révélé une diminution statistiquement significative d’environ 25% de l’incidence globale des cancers de la prostate chez les patients traités par un inhibiteur de la 5α-réductase, mais ce faible bénéfice était contrebalancé par une légère augmentation statistiquement significative de l’incidence des cancers de la prostate de haut grade (Gleason score ≥ 7) diagnostiqués par échographie et biopsie. Il n’y avait pas de données quant à l’effet du dutastéride et du finastéride sur l’incidence du cancer métastatique de la prostate, ni sur la morbidité et la mortalité liées au cancer de la prostate. Ces résultats ne plaident donc pas en faveur d’un effet favorable des inhibiteurs de la 5α-réductase sur le risque de cancer de la prostate en général. La prévention du cancer de la prostate ne figure d’ailleurs pas comme indication dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP, anciennement la notice scientfique) des spécialités à base de finastéride et de dutastéride. Comme le soulignent les auteurs d’un commentaire [ N Engl J Med 2011; 365: 97-9 (doi: 10.1056/NEJMp1106783)] se rapportant à ces deux études, ces données illustrent bien le fait que, malgré des résultats à première vue encourageants, une analyse critique s’impose pour évaluer l’efficacité des médicaments, certainement lorsqu’il s’agit de médicaments utilisés à titre préventif. En ce qui concerne la possibilité d’un risque accru de cancer de la prostate de haut grade chez les patients avec une hypertrophie bénigne de la prostate traités au long cours par des inhibiteurs de la 5α-réductase (dutastéride, finastéride), la Food and Drug Association (FDA) aux Etats-Unis a émis un avertissement en septembre 2011, suite à ces deux études, [ www.fda.gov/Drugs/DrugSafety/ucm258314.htm ]. Il y est entre autres recommandé d’exclure un cancer de la prostate avant d’instaurer un traitement par un inhibiteur de la 5α-réductase en raison d' une hypertrophie bénigne de la prostate, et d’être attentif à toute élévation du taux de PSA pendant le traitement. Etant donné que les inhibiteurs de la 5α-réductase entraînent une diminution du taux de PSA, toute élévation de ce taux (même s’il reste dans les valeurs normales) peut être un signal de cancer de la prostate et doit être investiguée. NoteLe finastéride est également utilisé off-label dans le traitement de l’alopécie androgénique, mais vu ses effets indésirables, on peut s’interroger au sujet de sa balance bénéfices-risques dans cette indication [voir Folia d' avril 2009 ]. |