LE RIMONABANT EST ENREGISTRE DANS L’UNION EUROPEENNE POUR LE TRAITEMENT DE L’OBESITE : TENEZ COMPTE DES INCERTITUDES 11 juillet 2006

 

Le rimonabant, un antagoniste des récepteurs canabinoïdes de type 1, a été enregistré le 27 avril 2006 par  l’Agence Européenne des Médicaments (European Medicines Agency ou EMEA)  pour  le traitement de l’obésité  (Body Mass Index ou BMI $ 30 kg/m2) et de la surcharge pondérale (BMI > 27 kg/m2); pour le traitement de la surcharge pondérale, des facteurs de risque tels un diabète de type 2 ou une hyperlipidémie doivent également être présents. Un traitement par le rimonabant doit, selon les conditions d’enregistrement, être associé à un régime et à une activité physique. Le rimonabant, enregistré sous forme de comprimés à 20 mg, n’est pas encore commercialisé en Belgique mais des communiqués ont déjà été diffusés par les médias.

 

L’année dernière, nous avions déjà attiré l’attention sur le rimonabant dans la rubrique « Bon à savoir » (communiqué du 19 avril 2005).  Nous y écrivions qu’une étude contrôlée par placebo d’une durée d’un an, chez des patients obèses et  des patients présentant une surcharge pondérale et d’autres facteurs de risque cardio-vasculaires (l’étude RIO-Europe), montrait une diminution du poids corporel et de la circonférence abdominale avec le rimonabant, ainsi qu’un effet favorable sur certains critères d’évaluation intermédiaires (cholestérol HDL, triglycérides, glycémie et insulinémie matinales).  Nous avions également écrit qu’on ne sait pas si ces effets sur les facteurs de risque persistent en cas de traitement prolongé ou après l’arrêt du traitement, ni si le rimonabant exerce un effet sur des critères d’évaluation majeurs tels la morbidité et la mortalité cardio-vasculaires.

 

Depuis, les résultats de deux autres études randomisées contrôlées par placebo ont été publiés (Rio-Lipids chez des patients présentant une hyperlipidémie non traitée, en association à une surcharge pondérale ou une obésité [NEJM 2005; 353:2121-34] et RIO-North America chez des patients présentant une surcharge pondérale en association à une hypertension ou une hyperlipidémie traitée ou non traitée, et chez des patients obèses [JAMA 2006;295:761-75], avec chaque fois un éditorial s’y rapportant [NEJM 2005;353:2187-9 et JAMA 2006;295:826-8]. Une évaluation du rimonabant a aussi été publiée dans La Revue Prescrire [2006;26:405-9].  Dans ces études, le rimonabant a été étudié à une dose de 5 mg et de 20 mg par jour; les résultats discutés ici se rapportent à la dose de 20 mg par jour, étant donné que c’est cette dose qui a été approuvée par les autorités d’enregistrement.

Les études RIO-Lipids et RIO-North America ont montré, comme l’étude RIO-Europe, après un an de traitement une diminution du poids corporel par le rimonabant (environ 8 kg avec le rimonabant par rapport à environ 2 kg avec le placebo) et de la circonférence abdominale (6 à 9 cm avec le rimonabant par rapport à 2 à 3 cm avec le placebo). Un effet favorable sur certains critères d’évaluation intermédiaires a également été constaté (entre autres diminution d’environ 20 % des triglycérides avec le rimonabant par rapport à une diminution d’environ 10 % avec le placebo ; augmentation d’environ 20 % du cholestérol HDL avec le rimonabant par rapport à une augmentation d’environ 10 % avec le placebo); aucune différence par rapport au placebo n’a été constatée en ce qui concerne les autres critères d’évaluation intermédiaires (p. ex. tension artérielle, cholestérol LDL, cholestérol total). La mortalité et la morbidité n’ont pas été étudiées dans les études RIO.

Dans l’étude RIO-North America, les patients qui avaient été traités par le rimonabant ont à nouveau été randomisés à la fin de l’étude: la moitié des patients a reçu le rimonabant pendant encore un an, l’autre moitié a reçu un placebo.  Chez les patients qui ont continué à prendre le rimonabant, les effets de celui-ci ont persisté; chez les patients qui sont passés au placebo, les effets favorables ont disparu et après cette année, les patients avaient retrouvé leur poids initial.

Dans les trois études RIO,  les taux d’abandons (« drop-out ») ont été importants: plus d’un tiers des patients dans les différents groupes traités ont interrompu le traitement prématurément.  Les effets indésirables constatés dans les études cliniques consistaient surtout en des réactions centrales (angoisse, dépression), des effets neurologiques (vertiges) et gastro-intestinaux (nausées, diarrhée).  Des études comparatives avec l’orlistat et la sibutramine font défaut.

Quelques commentaires, basés également sur les éditoriaux cités ci-dessus.

-                     Il existe un certain nombre de problèmes méthodologiques inhérents à ces études, entre autres des problèmes d’analyse dus au taux d’abandons important.

-                     La diminution du poids corporel par le rimonabant dans les études RIO est modeste et comparable à ce qui a été observé dans les études avec l’orlistat et la sibutramine; la diminution est plus faible que celle observée dans des études sur la perte de poids par adaptation du style de vie.  Un an après l’arrêt du traitement, la perte de poids par le rimonabant avait disparu.

-                     Une perte de poids chez des personnes obèses ou présentant une surcharge pondérale influence favorablement certains facteurs de risque cardio-vasculaires, ce qui est également le cas dans les études RIO avec le rimonabant.  Pour aucun médicament contre l’obésité, un effet favorable sur la morbidité et la mortalité cardio-vasculaires n’a toutefois été prouvé jusqu’à présent.

-                     La surcharge pondérale et l’obésité prennent une allure épidémique, et il est urgent de lutter contre celles-ci [voir aussi à ce sujet les Folia de février 2005].  La prise en charge de l’obésité et de la surcharge pondérale est multifactorielle, et l’adaptation du style de vie (régime, activité physique, thérapie comportementale) y a un rôle primordial; en cas d’échec de celle-ci, un traitement médicamenteux peut être envisagé, sans toutefois négliger les autres efforts à accomplir.

-                     L’apport des médicaments dans la prise en charge de l’obésité et de la surcharge pondérale est limité. Actuellement, on dispose de l’orlistat et de la sibutramine, et le rimonabant vient s’ajouter à ceux-ci, ce qui augmente le choix pour le médecin et le patient.

 

P.S. Le rimonabant a également fait l’objet de quelques études comme aide à l’arrêt du tabagisme, mais les données disponibles ne permettent pas de tirer des conclusions.  Une demande d’enregistrement du rimonabant pour cette indication a été refusée aux Etats-Unis début 2006 et l’arrêt du tabagisme n’est pas une indication dans l’Union Européenne.

 

Noms de spécialités

Rimonabant : Acomplia® (non commercialisé en Belgique)

Orlistat : Xenical®.  Sibutramine : Reductil®