La presse attire l’attention sur la paroxétine dans le traitement de la dépression chez l’adolescent: nouvelle analyse de l’étude “ Study 329 ”[Déjà paru dans la rubrique " bon à savoir" sur notre site Web le 18/09/15, avec un complément d’informations le 16/10/15]
Le communiqué " Bon à savoir " du 18/09/15La presse attire l’attention sur la paroxétine, un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine, dans le traitement de la dépression chez l’adolescent. Ceci fait suite à la publication sur le site Web du The BMJ d’une nouvelle analyse d’une étude avec la paroxétine dans le traitement de la dépression chez l’adolescent [voir site Web de The BMJ pour l’étude, un éditorial et un commentaire]. L’étude était financée par le fabricant de la paroxetine, et a été publiée initialement en 2001. Contrairement à ce qui était montré dans la publication originale, la nouvelle analyse ne constate pas d’effet thérapeutique positif de la paroxétine par rapport au placebo, et montre un risque accru d’effets indésirables psychiatriques sévère (tels que des idées suicidaires). Le même constat a d’ailleurs été fait pour l’imipramine qui était également évaluée dans cette étude. Les résultats de cette étude avaient déjà fait l’objet de discussions dès la première publication, et pendant plusieurs années, il a été plaidé – sans succès toutefois- pour le retrait de la publication originale. La nouvelle analyse a été faite par une équipe d’investigateurs indépendants qui a demandé à la firme de pouvoir obtenir toutes les données de l’étude. Depuis plusieurs années déjà, plusieurs groupes d’investigateurs plaidaient pour plus de transparence sur les données des études cliniques [voir Folia d' avpril 2015 ]. Concernant l’utilisation des antidépresseurs chez l’enfant et l’adolescent, nous renvoyons au Folia d' août 2006 , ainsi qu’au Répertoire Commenté des Médicaments, chapitre 10.3. Il y est mentionné ce qui suit: "Chez les enfants et les adolescents, l’efficacité d’aucun antidépresseur n’a été prouvée de manière convaincante; par contre, un risque accru d’idées suicidaires et d’automutilation a été constaté surtout lors de l’instauration du traitement [voir Folia d' août 2006 ]". Ces résultats confrontent le monde scientifique et médical à un dilemme énorme: on insiste de plus en plus pour que les soins de santé se basent sur des données provenant d’études contrôlées (evidence based medicine) mais ces études sont parfois intentionnellement interprétées de manière trompeuse. Les résultats de la nouvelle analyse de cette étude, après avoir étudié toutes les données de l’étude, apportent la preuve inéluctable de l’importance d’avoir accès à toutes les données des études pour les investigateurs indépendants. Une campagne à l’échelle mondiale, la campagne AllTrial ( www.alltrials.net ), plaide pour que cela soit exécuté par respect pour la science, mais aussi pour les patients qui participent volontairement à ces études. Complément d’informations (16/10/15)Comme mentionné dans le communiqué " Bon à savoir " ci-dessus, il existe une discordance importante entre les conclusions de la publication originale en 2001 " Efficacy of paroxetine in the treatment of adolescent major depression: a randomized, controlled trial ", l’étude dite " Study 329 "1, et celles de la réanalyse: " Restoring Study 329: efficacy and harms of paroxetine and imipramine in treatment of major depression in adolescents. "2 La réanalyse a été effectuée dans le cadre de l’initiative Restoring Irreversible and Abandoned Trials (RIAT). Les publications sont disponibles sur " www.study329.org ". La réanalyse montre en effet clairement d’autres résultats que la publication originale, tant en ce qui concerne l’efficacité que l’innocuité. Plusieurs explications à propos de cette discordance ont été avancées par les auteurs de la réanalyse.
Le commentaire " No correction, no retraction, no apology, no comment: paroxetine trial reanalysis raises questions about institutional responsibility "3 souligne également le fait que la publication originale n’a pas été écrite par un des 22 auteurs, mais par un " ghostwriter ", un " écrivain " professionnel qui n’était pas impliqué dans l’étude. Des conflits d’intérêts financiers de l’un des auteurs n’ont pas non plus été mentionnés dans la publication originale. Le retrait de l’article de 2001 était demandé depuis des années. Cette demande a été ignorée par les auteurs et les institutions académiques et professionnelles dont ils font partie, ainsi que par le sponsor de l’étude et par la revue-même, et ce malgré le fait que des doutes concernant le compte-rendu de cette étude avaient été déjà émis en 2002. De plus, la firme promotrice GSK aux Etats-Unis a déjà été condamnée en 2012 à une amende de 3 milliards de dollars, en partie en raison de "fraudulently promoting paroxetine", dans laquelle la discordance entre les conclusions revendiquées par les auteurs de l’étude " Study 329 " en 2001 et l’évaluation de cette étude par d’autres personnes constituait un élément majeur de condamnation. Un éditorial "Liberating the data from clinical trials"4 souligne l’importance mais également la difficulté de telles réanalyses sur base de données individuelles. 1 J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2001; 40: 762-72 2 BMJ 2015; 351: h4320 (doi:10.1136/bmj.h4320) 3 BMJ 2015; 351: h4629 (doi:10.1136/bmj.h4629) 4 BMJ 2015; 351: h4601 (doi:10.1136/bmj.h4601) |