Eté, voyages et médicaments: mise à jour
Le présent article propose une mise à jour des messages discutés dans les
Folia de mai 2007 et
mai 2008 .
La maladie de Lyme (syn. borréliose de Lyme) est causée par le spirochète Borrelia burgdorferi et est transmise par une piqûre de tique. L’incidence augmente dans plusieurs pays européens dont la Slovénie par exemple.
- Il n’existe pas de vaccin contre la maladie de Lyme. Il existe par contre un vaccin contre l’encéphalite à flavivirus, également transmise par les tiques, mais qui est différente de la maladie de Lyme.
- La meilleure mesure préventive consiste à éviter les piqûres de tiques en portant par exemple des vêtements couvrants et en utilisant des répulsifs. Les répulsifs à base de DEET (diéthyltoluamide), à appliquer toutes les 4 à 6 heures, sont à préférer. La concentration optimale de DEET dans ces répulsifs est de 20 à 50 %; chez les femmes enceintes et les enfants, la concentration ne doit pas dépasser 30 %. Il est conseillé, en particulier chez les femmes enceintes et les enfants, de rincer le répulsif lorsqu’une protection n’est plus requise.
- Après une randonnée dans une région à risque, il est recommandé de rechercher activement la présence de tiques sur la peau. Pour éviter la contamination par Borrelia burgdorferi , il convient de retirer la tique dans les 24 heures suivant la piqûre, à l’aide d’une pince adéquate ou d’une pince, d’un crochet ou d’un lasso à tiques.
- Dans le contexte belge, l’administration systématique d’un antibiotique après une piqûre de tique en prévention de la maladie de Lyme n’est pas indiquée. Il convient toutefois de surveiller la peau autour de la piqûre pendant 30 jours, certainement si la tique est restée longtemps accrochée, ce qui permet d’instaurer rapidement un traitement en cas d’apparition d’un érythème migrant ou d’un lymphocytome.
- L’érythème migrant est la manifestation clinique la plus fréquente de la maladie de Lyme (environ 80 %) et indique une infection locale survenue récemment. Lorsque cette éruption cutanée typique apparaît, aucun test diagnostic supplémentaire n’est en principe nécessaire, mais une antibiothérapie doit être instaurée immédiatement. Même sans antibiotiques, cette éruption cutanée disparaîtra dans de nombreux cas, mais le traitement vise surtout à prévenir la dissémination du germe dans l’organisme et les complications qui peuvent en résulter. Sous antibiothérapie, l’érythème migrant disparaît généralement dans les 7 à 14 jours.
- Des symptômes d' arthrite ou une atteinte du système nerveux central ou une atteinte cardiaque indiquent une infection disséminée à un stade précoce, et apparaissent dans l’année suivant l’infection. Avant d’instaurer un traitement, il convient de confirmer le diagnostic par la détermination des anticorps IgG et IgM. Une sérologie positive en l’absence de symptômes ne signifie pas nécessairement la présence d’une borréliose de Lyme active; même chez les patients traités avec succès, des taux accrus d’anticorps IgM ou IgG peuvent persister pendant des années.
Un traitement oral est en principe indiqué en cas d’érythème migrant ou d’autres manifestations cutanées, et pour le traitement initial en cas d’atteinte cardiaque. La doxycycline constitue le premier choix. L’amoxicilline, le céfuroxime axétil, la pénicilline V ou l’azithromycine sont proposés comme alternatives; l’azithromycine est surtout utilisée chez les femmes enceintes et les enfants allergiques aux pénicillines. Les doses sont mentionnées dans le tableau.
Dans certaines formes de la maladie de Lyme (p. ex. en cas d’atteinte cérébrale), un traitement parentéral est indiqué. La ceftriaxone est le premier choix; d’après une étude réalisée en Europe chez des adultes présentant une atteinte cérébrale, la doxycycline par voie orale serait aussi efficace que la ceftriaxone en intraveineux.
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Durée du traitement |
Posologie adulte |
Posologie enfant |
Doxycycline |
14 jours 1 |
200 mg p.j. en 2 prises 2 |
> 8 ans 2 : 4 mg/kg/j en 2 prises |
Amoxicilline |
14 jours |
1,5 g p.j. en 3 prises |
50 mg/kg/j en 3 prises |
Céfuroxime axétil |
14 jours |
1 g p.j. en 2 prises |
30 mg/kg/j en 2 prises |
Pénicilline V |
14 jours |
1,5 g à 3 g p.j. en 3 prises |
100 mg/kg/j en 3 prises |
Azithromycine |
5 à 10 jours |
500 mg p.j. en 1 prise |
10 mg/kg/j en 1 prise |
1 Une étude, menée en Amérique, a révélé qu’un traitement pendant 10 jours est suffisant, mais on ne dispose pas de preuves démontrant qu’il en est de même en Europe.
2 La doxycycline est contre-indiquée en période de grossesse et chez les enfants âgés de moins de 8 ans (selon certains experts, de moins de 12 ans).
[
Lancet 2012; 379: 461-73 (doi:10.1016/S0140-6736(11)60103-7);
Curr Opin Infect Dis 2009; 22: 450-4 (doi:10.1097/QCO.0b013e32832ee880);
Tijdschr voor Geneeskd 2009; 65: 815-23 (doi:10.2143/TVG.65.18.2000610)]
Le présent texte est une mise à jour de l’article dans les
Folia de mai 2007 . Le mal d’altitude se caractérise par des céphalées, associées à au moins un des symptômes suivants: (1) perte d’appétit, nausées, vomissements, (2) fatigue, faiblesse, (3) vertiges, (4) insommie. Dans de rares cas peuvent apparaître des complications tels qu’un oedème pulmonaire et un oedème cérébral dont l’issue peut être fatale. La plupart des cas de mal d’altitude sont dus à une période d’acclimatation insuffisante à des altitudes de plus de 3.000 mètres. Une ascension trop rapide signifie pour une personne ayant séjourné les jours précédents dans nos contrées monter plus de 500 mètres par jour et loger à plus de 2.500 mètres. En cas d’ascension trop rapide, on estime le risque du mal d’altitude à 25 % à partir de 3.500 à 4.000 mètres, et à 45 % à partir de 5.000 mètres. La sensibilité au mal d’altitude est variable d’un individu à l’autre. Les personnes ayant déjà présenté des symptômes de mal d’altitude ont un risque accru de présenter à nouveau de tels symptômes lors d’un voyage ultérieur à haute altitude.
En prévention du mal d’altitude, les mesures suivantes sont conseillées.
- Prévoir une ascension lente et un temps d’acclimatation suffisant (séjourner d’abord quelques jours à ± 2.000 mètres d’altitude; à partir de 3.000 mètres d’altitude, ne pas gravir plus de 300 mètres par jour, et prévoir une journée de repos par ascension de 1.000 mètres).
- Eviter les somnifères et l’alcool.
- Veiller à avoir une hydratation suffisante.
- La prise préventive du diurétique acétazolamide n’est en principe recommandée que chez les personnes ayant déjà présenté des symptomes de mal d’altitude.
- Si un traitement préventif est néanmoins instauré, on commence généralement 1 jour avant d’atteindre 3.000 mètres d’altitude par une dose de 250 à 500 mg (environ 7 mg/ kg) d’acétazolamide par jour en 2 prises, et ce jusque 2 jours après avoir atteint l’altitude finale. Les effets indésirables les plus fréquents sont des paresthésies et un goût métallique désagréable en cas de consommation de boissons gazeuses, ainsi qu’une diurèse accrue. La dexaméthasone (8 mg p.j. en plusieurs prises) peut également être utilisée en prévention, mais ceci n’est recommandé qu’en cas de contre-indication à l’acétazolamide ou lorsqu’un effet rapide s’avère nécessaire, par ex. lorsqu’une ascension rapide est inévitable. Les données concernant l’efficacité d’extraits de Ginkgo biloba dans la prévention du mal d’altitude sont contradictoires.
Le traitement le plus efficace pour toutes les formes de mal d’altitude est de descendre accompagné de 300 à 1.000 mètres, ce qui est particulièrement important en cas d’oedème pulmonaire ou cérébral. Il faut absolument éviter de monter plus haut.
- En cas de symptômes légers , du repos, une hydratation suffisante et un traitement antalgique éventuel peuvent suffire. Dans l’avis de l’Institut de Médecine Tropicale, l’acétazolamide est néanmoins recommandé: l' acétazolamide (500 mg p.j. en 2 prises) est dès lors débuté de préférence dès les premiers symptômes de mal d’altitude, et poursuivi pendant 2 à 3 jours (ou moins longtemps si l’on peut descendre immédiatement à une plus faible altitude). La prise de liquides n’a pas d’effet sur le mal d’altitude, mais est utile pour exclure une déshydratation comme cause des symptômes.
- En cas de symptômes modérément sévères à sévères , un traitement par oxygène, acétazolamide (500 mg p.j. en 2 prises) et/ou dexaméthasone (débuter par 8 mg, ensuite 4 mg toutes les 6 heures) est à envisager; d’après certains experts, il est préférable en cas de symptômes modérément sévères à sévères d’opter pour une une association d’acétazolamide et de dexaméthasone. L’acétazolamide peut être arrêté dès que les symptômes ont disparu; ceci peut prendre jusqu’à 24 heures et les céphalées peuvent s’aggraver temporairement. Pour la dexaméthasone, il est recommandé de poursuivre le traitement aussi longtemps que persiste le risque de mal d’altitude. En cas d’oedème pulmonaire, la nifédipine peut être indiquée.
[
Brit Med J 2011; 343: d4943 (doi:10.1136/bmj.d4943);
www.itg.be/itg/Uploads/MedServ/nhoogte.pdf ]
Plusieurs études épidémiologiques et méta-analyses ont révélé un risque accru de thrombose veineuse profonde (TVP) en cas de vol prolongé (> 8 heures ou > 5000 km), en particulier chez les patients présentant d’autres facteurs de risque thromboembolique tels que des antécédents de thromboembolie veineuse, une intervention chirurgicale récente, une affection maligne, une obésité sévère, la grossesse, des troubles thrombophiliques. Bien que le risque de TVP paraisse environ 3 fois plus élevé chez les passagers de vols de longue distance que dans la population générale, ce risque reste très faible en valeur absolue. Par ailleurs, le risque de thromboembolie veineuse existe également en cas de voyage prolongé en train, en autobus ou en voiture. Certaines mesures telles que bouger régulièrement les jambes, bien s’hydrater et porter des vêtements amples peuvent être prises pour diminuer ce risque. Il n’est pas prouvé que la déshydratation, le fait de voyager en classe économique ou de consommer des boissons alcoolisées augmentent davantage le risque de TVP. Chez les patients présentant d’autres facteurs de risque de TVP, le port de bas de compression adaptés jusqu’aux genoux est certainement à recommander.
Des données limitées suggèrent que l’administration prophylactique d’une dose unique d’une héparine de bas poids moléculaire (généralement 2 à 6 heures avant le départ) a un faible effet favorable sur le risque de TVP asymptomatique. En ce qui concerne le risque de TVP symptomatique, on ne dispose pas de données. Un tel traitement prophylactique n’est à envisager que chez les patients présentant un ou plusieurs autres facteurs de risque thromboembolique et chez qui on estime que les avantages escomptés contrebalancent les risques du traitement. L’acide acétylsalicylique n’est pas efficace en prévention des TVP et n’est certainement pas recommandé dans ce contexte [
Chest 2012; 141: e195S-e226S (doi: 10.1378/chest.11-2296)].
La prise en charge de la diarrheé du voyageur a été discutée dans les
Folia de mai 2007 et
mai 2009 . Quelques compléments d’information sont apportés ici.
- Le nifuroxazide , un antiseptique intestinal, est parfois proposé dans la prévention et le traitement de la diarrhée du voyageur. Les spécialités à base de nifuroxazide ont été retirées du marché belge en 2007 en raison du manque de preuves d’efficacité. Le nifuroxazide est toutefois encore disponible en Belgique sous forme de poudre pour la préparation magistrale.
Selon une analyse parue dans
La Revue Prescrire [1999; 19: 489-90] , une diminution d’une selle par jour pendant les 2 premiers jours de traitement a été constatée dans une étude randomisée contrôlée par placebo, mais sans effet sur le risque de déshydratation. Par ailleurs, des réactions allergiques rares mais graves ont été rapportées avec le nifuroxazide. L’utilisation du nifuroxazide n’est pas justifiée et n’est mentionnée dans aucune recommandation concernant la diarrhée du voyageur (entre autres celle de l’Institut de Médecine Tropicale: via
www.itg.be/itg/Uploads/MedServ/freizigersdiarree.htm ).
- Dans les recommandations de l’Institut de Médecine Tropicale concernant la diarrhée du voyageur, on signale que les personnes traitées par des inhibiteurs de la sécrétion acide gastrique sont plus sensibles aux formes graves de diarrhée. Dans les sources que nous avons consultées (Martindale, British National Formulary , Farmacotherapeutisch Kompas), on signale en effet que l’utilisation chronique d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) augmente le risque d’infections gastro-intestinales, entre autres à Clostridium difficile, Campylobacter jejuni ou Salmonella; ceci n’est pas signalé dans ces sources pour les antihistaminiques H2. Les preuves d’un risque d’infection accru proviennent principalement d’études observationnelles, et les risques relatifs varient dans ces études de 4,2 à 8,3 en ce qui concerne Salmonella , de 3,5 à 11,7 en ce qui concerne Campylobacter , et de 1,2 à 5 en ce qui concerne Clostridium [
Aliment Pharmacol Ther 2011; 34: 1269-81 (doi:10.1111/j.1365-2036.2011.04874.x)]. Concernant l’utilisation préventive d’antibiotiques ou d’autres médicaments dans le cadre de la diarrhée du voyageur chez les personnes prenant des IPP, il n’y a pas d’unanimité. Le fait qu’un voyageur soit traité par un IPP ne justifie pas l’administration prophylactique d’antibiotiques, sauf comme pour tous les voyageurs, en présence de facteurs de risque tels qu’une maladie inflammatoire de l’intestin ou une insuffisance rénale. Il va de soi que les mesures préventives classiques (être attentif à ce que l’on mange et ce que l’on boit, hygiène des mains) et la prise en charge correcte de la diarrhée du voyageur (p.ex. autotraitement rapide par des antibiotiques en cas de symptômes de dysentérie) restent primordiales.
Les maladies associées à de la fièvre (t° > 38°C) au retour d’un voyage sont fréquentes et leur évolution est variable, allant d’une affection spontanément résolutive à une maladie grave pouvant être fatale. Les causes fréquentes de fièvre sont la malaria, la grippe, la dengue, les infections à Rickettsia , des syndromes viraux aspécifiques et la diarrhée bactérienne, mais la fièvre peut également être provoquée par des maladies non infectieuses telles qu’une embolie pulmonaire ou par des médicaments. La prise en charge consiste en premier lieu à identifier les maladies à risque vital, les maladies nécessitant un traitement urgent, et les maladies contagieuses susceptibles d’avoir un impact sur la santé publique.
L’évaluation correcte du voyageur présentant de la fièvre consiste en une anamnèse détaillée, un examen clinique approfondi et des analyses biologiques appropriées. L’apparition d’une éruption cutanée doit faire envisager la possibilité de la dengue ou d’une infection à Rickettsia. Chez toute personne développant de la fièvre dans les premiers mois suivant un retour des tropiques, il convient d’envisager la possibilité d’une malaria, même lorsqu’un traitement médicamenteux préventif a été pris; un traitement rapide et adéquat s’impose. Si la fièvre perdure plus de 7 jours, il faut penser à une infection intestinale bactérienne, p. ex. à Salmonella ou à Shigella [
Australian Prescriber 2012; 35: 10-4].
En cas d’irritation cutanée due au contact avec certains végétaux ou à des piqûres ou morsures de certains insectes, des mesures simples telles que la pulvérisation d’eau fraîche et le lavage à l’eau et au savon sont généralement suffisantes pour apaiser et éviter les surinfections. Si nécessaire, l’application locale d’un émollient [voir
Folia d' avril 2007 ] ou d’un glucocorticoïde peu puissant tel que l’hydrocortisone (0,5 à 1%) peut être utile. Il convient toutefois d’éviter les glucocorticoïdes en cas de blessure ouverte, et de ne pas les appliquer de manière étendue, prolongée ou répétée, ni sous pansement occlusif ou dans les plis cutanés, surtout chez les jeunes enfants. Les produits à base d’anesthésiques locaux, d’antihistaminiques H 1 ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens ne sont pas plus efficaces que l’hydrocortisone et sont associés à un risque plus élevé d’effets indésirables, notamment d’allergies. [
La Revue Prescrire 2011; 31: 594-9]
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