Corticostéroïdes dans le mal de gorge aigu

L’effet d’une dose unique de corticostéroïdes par voie systémique dans le mal de gorge aigu a fait l’objet d’une RCT britannique, menée en première ligne1 et d’une synthèse méthodique et méta-analyse en première et deuxième ligne2. Les études étaient généralement menées avec de la dexaméthasone par voie orale. L’utilisation d’une dose unique de corticostéroïdes par voie systémique est possiblement associée à un effet symptomatique limité dans le mal de gorge aigu. Le CBIP estime pourtant que cette approche ne peut pas être encouragée. En effet, l’effet sur les symptômes est limité et on n’observe aucun effet sur des critères d’évaluation tels que l’absence au travail. Il n’y a pas suffisamment de preuves que l’administration de corticostéroïdes diminue la consommation d’antibiotiques. Bien que, dans les études, l’administration d’une dose unique de corticostéroïdes par voie systémique n’était pas associée à des effets indésirables importants, la prudence reste néanmoins de mise, en particulier chez les patients âgés qui ont été exclus des études.

Dans une étude randomisée récente, en double aveugle et contrôlée par placebo (RCT), menée en première ligne en Angleterre et publiée dans le JAMA1, l’efficacité des corticostéroïdes par voie orale a été évaluée dans le mal de gorge aigu (défini dans l’étude par des symptômes aigus de mal de gorge et une déglutition douloureuse depuis 7 jours maximum). L’étude peut être extrapolée à la pratique clinique de première ligne parce qu’elle a été menée en première ligne et chez des patients dont on considérait qu’ils n’avaient pas un besoin immédiat d’antibiotiques.
Après l’administration d’une dose unique de 10 mg de dexaméthasone par voie orale, les maux de gorge avaient disparu, après 24 heures, chez 22,6% des patients dans le groupe traité par dexaméthasone, contre 17,7% des patients dans le groupe placebo (différence non significative). Après 48 heures, cette différence était par contre significative: 35,4% dans le groupe traité par dexaméthasone, contre 27,1% dans le groupe placebo (number needed to treat ou NNT = 12). On n’a pas observé de différence significative quant au nombre de jours d’absence au travail ou à l’école, ni en termes d’effets indésirables, entre les deux groupes.

La RCT a été menée en double aveugle auprès de 576 patients adultes qui s’étaient présentés avec un mal de gorge aigu chez leur médecin traitant (dans 43 pratiques). La fièvre n’était pas un critère d’exclusion. Les critères d’exclusion étaient entre autres:
  • âge > 70 ans
  • grossesse
  • comorbidités qui constituaient un risque en cas de participation à l’étude, telles qu’une immunodéficience due à une infection par le VIH ou une chimiothérapie, des antécédents de troubles psychiatriques sévères (dépression, trouble bipolaire, trouble anxieux)
  • utilisation récente (moins d’un mois auparavant) de corticostéroïdes inhalés
  • adénotonsillectomie récente
  • utilisation actuelle ou récente d’antibiotiques (moins de 14 jours auparavant)
  • diagnostic alternatif clair (pneumonie p.ex.)
Environ la moitié des patients étaient traités avec une dose unique de 10 mg de dexaméthasone par voie orale; l’autre moitié recevait un placebo. Aucune antibiothérapie n’était instaurée, mais le médecin traitant pouvait à sa propre initiative rédiger une prescription différée d’antibiotiques que le patient pouvait utiliser si les symptômes ne s’amélioraient pas dans les 48 heures.

L’évaluation des symptômes reposait sur la présence ou l’absence de mal de gorge après 24 et 48 heures. Des sous-groupes de patients ont été constitués en fonction de l’utilisation d’une prescription différée.

On n’a pas observé de différence significative entre les deux groupes en ce qui concerne la disparition totale des symptômes dans les 24 heures (critère d’évaluation primaire; RR 1,25 ; IC à 95% 0,92 à 1,78). On a par contre observé une différence significative entre les deux groupes après 48 heures (critère d’évaluation secondaire prédéfini ; RR 1,31 ; IC à 95% 1,02 à 1,68, number needed to treat ou NNT=12). Cette différence observée après 48 heures restait également significative dans le sous-groupe de patients qui n’avaient pas encore pris d’antibiotiques endéans les 48 heures (RR 1,37 ; IC à 95% 1,01 à 1,87).

Cette étude était également incluse dans une synthèse méthodique et méta-analyse de RCT portant sur les corticostéroïdes dans le mal de gorge aigu 2, publiées dans le BMJ. Les résultats de cette méta-analyse sont moins extrapolables à la pratique clinique de première ligne, la plupart des études ayant été menées dans des services d’urgence.

Cette méta-analyse incluait 10 études, menées chez des adultes et des enfants (n=1426). Dans 8 études, les patients avaient été recrutés dans des services d’urgence, et 2 études incluaient des patients de première ligne (dont l’étude précitée provenant du JAMA1). Le corticostéroïde utilisé était généralement de la dexaméthasone en une dose unique par voie orale (maximum 10 mg) ; quelques études ont utilisé d’autres corticostéroïdes par voie orale (prednisone) ou en injection intramusculaire (dexaméthasone ou bétaméthasone). Sur les 8 études menées dans un service d’urgence, 5 études ont appliqué une antibiothérapie systématique dès le début.

Il ressort des résultats de la méta-analyse que, chez les patients traités par une dose unique de corticostéroïdes, une amélioration était observée en moyenne 4,8 heures (IC à 95% 1,9 à 7,8) plus tôt et que leurs maux de gorge duraient en moyenne 11,1 heures (IC à 95% 0,4 à 21,8) moins longtemps. 24 heures après le traitement par corticostéroïdes, on observait une diminution de la douleur de -1,3  points en moyenne (IC à 95% -0,7 à -1,9) sur une échelle visuelle analogique de la douleur allant de 0 à 10 points. Selon les auteurs de cette méta-analyse, il n’est pas certain que l’administration d’un corticostéroïde soit susceptible d’entraîner une diminution de la consommation d’antibiotiques : ceci n’a été mesuré que dans une seule étude, ayant relevé un effet positif non significatif (RR 0,83; IC à 95% 0,61 à 1,13).

Commentaire du CBIP

L’utilisation d’une dose unique de corticostéroïdes par voie systémique pourrait avoir un effet symptomatique limité dans le mal de gorge aigu mais ne peut pas être encouragée. L’effet sur les symptômes est limité (soulagement du mal de gorge environ 5 heures plus tôt, diminution d’une demi-journée des maux de gorge, diminution d’1 point sur une échelle analogique de la douleur de 10 points), et on n’observe aucun effet sur des critères d’évaluation tels que l’absence au travail. Il n’y a pas suffisamment de preuves pour affirmer que l’administration de corticostéroïdes diminue la consommation d’antibiotiques. On ne dispose pas encore d’études comparatives directes entre l’utilisation de corticostéroïdes et d’autres médicaments tels que les antibiotiques (qui sont en fait rarement indiqués dans ce cas-là), les AINS et le paracétamol dans le mal de gorge aigu.3

Dans une maladie spontanément résolutive telle que le mal de gorge, les risques en termes d’effets indésirables et les contre-indications des corticostéroïdes doivent faire l’objet d’une évaluation rigoureuse. Une dose unique de corticostéroïdes n’était pas associée à des effets indésirables importants dans les études, mais les patients âgés ont été exclus. Dans la RCT anglaise p.ex., l’âge médian était de 33,7 ans, et les patients âgés (> 70 ans) étaient exclus.
 

Sources spécifiques

1 Hayward, Hay et al. Effect of Oral Dexamethasone Without Immediate Antibiotics vs Placebo on Acute Sore Throat in AdultsA Randomized Clinical Trial. JAMA. 2017;317(15):1535-1543. doi:10.1001/jama.2017.3417
2 Sadeghirad B, Siemieniuk RAC et al. Corticosteroids for treatment of sore throat: systematic review and meta-analysis of randomised trials. BMJ. 2017 Sep 20;358:j3887. doi: 10.1136/bmj.j3887
3 Chessman AW. ACP Journal Club Guideline: Experts recommend a single dose of oral steroids for pain relief in acute sore throat. AIM. 2018;168 (2) JC2 doi: 10.7326/ACPJC-2018-168-2-002