Prise en charge de l’otite externe: bon usage des gouttes auriculaires
Introduction
L’otite externe est une inflammation diffuse de la peau du conduit auditif qui peut être accompagnée de douleurs, démangeaisons, écoulements, desquamation, rougeur, œdème et éventuellement perte de l’audition. La cause n’est pas toujours claire, mais s’explique généralement par une perturbation du milieu acide du conduit auditif et une croissance excessive de bactéries (le plus souvent Pseudomonas aeruginosa et Staphylococcus aureus); l’otite externe peut également être provoquée par des dermatoses telles qu’un psoriasis ou un eczéma. Dans la plupart des cas, des facteurs déclenchants sont présents: exposition à un milieu chaud et humide (p. ex. bain ou natation), nettoyage par coton-tige ou autre corps étranger, curage des oreilles, irritation provoquée par des bouchons d’oreille, un appareil auditif ou un support sonore.
Le pronostic de l’otite externe est généralement bon: plus de trois quarts des patients sont soulagés après trois semaines de traitement. Lorsque l’otite externe ne guérit pas, ou en cas d’otite externe récidivante, il convient d’envisager la possibilité d’une infection fongique (le plus souvent par Candida ou Aspergillus). En présence de symptômes généraux, survenant typiquement chez les patients diabètiques ou immunodéprimés, il faut penser à la possibilité, bien que rare, d’une otite externe maligne (otite externe nécrosante), une infection invasive grave (le plus souvent par P. aeruginosa) dont l’issue est fatale dans 20 % des cas.
Données étayant l’efficacité des gouttes auriculaires
L’efficacité des gouttes auriculaires en cas d’otite externe a été évaluée dans une Cochrane Review (2010) et dans Clinical Evidence (2013). Il ressort de ces sources qu’il n’existe que peu d’études de bonne qualité. La plupart des études sont des études de deuxième ligne, dans lesquelles le nettoyage du conduit auditif (avec microscope) faisait partie de la prise en charge. Les gouttes auriculaires étudiées concernent les préparations suivantes (généralement sous forme de diverses associations).
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Des antiseptiques/acidifiants: surtout l’acide acétique et l’acétotartrate d’aluminium (solution de Burow).
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Des antibiotiques: surtout les aminosides (néomycine ou gentamicine) et les quinolones (ciprofloxacine ou ofloxacine).
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Des corticostéroïdes, p.ex ; la méthylprednisolone, la dexaméthasone, l’hydrocortisone.
Les gouttes auriculaires contenant des antibiotiques, en association ou non avec des corticostéroïdes, les gouttes auriculaires contenant de l’acide acétique + un corticostéroïde, et les gouttes auriculaires contenant de l’acétotartrate d’aluminium (solution de Burow) peuvent avoir un effet positif sur les symptômes de l’otite externe et accélérer la guérison. Les études comparatives n’ont pas révélé de différences importantes entre les différentes préparations étudiées. Les gouttes auriculaires contenant de l’acide acétique seul sont probablement moins efficaces. On ignore si les gouttes auriculaires préviennent les complications potentielles de l’otite externe (cellulite auriculaire ou faciale, périchondrite, infection systémique, progression vers une otite externe maligne chronique).
La qualité des données disponibles n’est pas suffisante pour se prononcer sur l’efficacité des gouttes auriculaires contenant des antimycosiques
Prise en charge de l’otite externe et avis pour un bon usage des gouttes auriculaires
– Dans la prise en charge de l’otite externe, la priorité consiste à traiter la douleur (premier choix : paracétamol), et éventuellement nettoyer le conduit auditif et réduire l’œdème. La réduction de l’œdème peut se faire, en cas de gonflement important du conduit auditif, en imprégnant un tampon auriculaire ou une mèche de gaze avec une solution à base d’acide acétique + hydrocortisone ou une solution de Burow diluée. Il convient également d’évaluer si le patient doit être référé pour un nettoyage spécialisé du conduit auditif, ou en raison d’une comorbidité (diabète, immunodépression) ou de la sévérité des symptômes. En cas d’otite externe sévère, il peut être nécessaire d’administrer des antibiotiques par voie systémique.
– Les patients diabétiques ou immunodéprimés doivent systématiquement être référés à un spécialiste; ils présentent un plus grand risque d’otite externe maligne (voir plus haut) nécessitant des antibiotiques par voie intraveineuse.
– Dans les sources consultées, il est conseillé de débuter le traitement par des gouttes auriculaires, bien que le premier choix ne fasse pas toujours l’unanimité. En fonction qu’il y ait perforation ou non du tympan, il est possible de proposer les choix suivants.
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En cas de tympan intact, il n’y a pas probablement pas de risque d’ototoxicité. Le médicament de premier choix diffère selon la source.
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Selon le NHG-standaard: gouttes auriculaires contenant un acide + un corticostéroïde (p. ex. gouttes auriculaires à base d’acide acétique +hydrocortisone).
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Selon le Formulaire de soins aux Personnes Agées: gouttes auricualires contenant de l’acétotartrate d’aluminium à 1,2 % (solution de Burow diluée). Les gouttes auriculaires à base d’acide acétique + hydrocortisone sont un deuxième choix.
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Selon La Revue Prescrire: gouttes auriculaires à base de ciprofloxacine ou d’ofloxacine.
Il est préférable d’éviter les associations. La néomycine présente un risque important de dermatite de contact (15 %); il convient certainement d’en tenir compte en cas de persistance des symptômes.
– Les gouttes auriculaires à base d’antibiotiques ne doivent donc pas absolument être considérées comme le seul premier choix : aucun bénéfice n’a été prouvé par rapport aux gouttes auriculaires contenant un acide + un corticostéroïde, et il faut tenir compte du caractère potentiellement sensibilisant des antibiotiques [n.d.l.r.: en outre, il il n’est pas garanti de pouvoir atteindre les CMI (concentrations minimales inhibitrices) des antibiotiques en cas d’application dans le conduit auditif (vu la répartition inégale dans le conduit auditif et la dilution par le pus et la saleté)]. Il n’y a pas d’indices que les gouttes auriculaires à base d’antibiotiques provoquent une résistance locale, mais on ignore si elles sont en mesure de provoquer une résistance systémique.
– Les gouttes auriculaires contenant de l’acide acétique + hydrocortisone (appelées « gouttes auriculaires acides à base d’hydrocortisone ») peuvent être préparées en magistrale: « Hydrocortisone Solution auriculaire acide à 1% FTM ». La dose proposée dans le Formulaire de soins aux Personnes Agées est de 3 gouttes 3 fois par jour.
– En Belgique, l’otite externe figure parmi les indications du RCP de Ciloxan® (ciprofloxacine, voir le Répertoire, chapitre 16.1.2.). La dose proposée dans le RCP est de 3 à 4 gouttes, 2 à 4 fois par jour ou plus fréquemment si nécessaire.
– La solution de Burow diluée (1/10) peut être préparée en magistrale en diluant au 1/10 la solution de Burow PB V (= Solutio aluminii aceto-tartratis PB V). La dose proposée dans le Formulaire de soins aux Personnes Agées est la suivante: imprégner un tampon ou une mèche de gaze de la solution de Burow (diluée 1/10) et l’introduire dans le conduit auditif pendant 24 heures ou instiller quelques gouttes de la solution de Burow (diluée 1/10) dans le conduit auditif. -
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En cas de perforation du tympan, il convient en tout cas d’éviter les produits ototoxiques tels que des préparations contenant des aminosides, des corticostéroïdes ou des anesthésiques locaux. En cas de tympan perforé, on peut utiliser comme premier choix des gouttes auriculaires à base d’acétotartrate d’aluminium à 1,2% (solution de Burow diluée) ou des gouttes auriculaires contenant une quinolone.
Sont contre-indiqués en raison de leur ototoxicité : Polydexa® (dexaméthasone + néomycine + polymyxine B), Panotile® (fludrocortisone + lidocaïne + néomycine + polymyxine B), Neobacitracine® (bacitracine + néomycine + ) et Otocalmine®, Otipax® et Otalgan (ces trois derniers en raison de la présence de lidocaïne).
– En l’absence de guérison après maximum 2 à 3 semaines de traitement avec les produits de premier choix, il est recommandé de poursuivre le traitement en fonction des résultats de la culture et de l’antibiogramme (démontrer/exclure des bactéries, champignons, levures). Il convient également d’envisager la possibilité d’une dermatite de contact ou d’autres dermatoses.
– La prévention de récidives consiste en premier lieu à éviter les facteurs déclenchants (voir ci-dessus). En cas de récidives, des bouchons d’oreille protecteurs peuvent être utilisés lors de la natation. L’efficacité des gouttes auriculaires utilisées à titre préventif n’est pas étayée.
Références générales
- NHG-Standaard Otitis Externa (herziening 2014), via https://www.nhg.org/standaarden/volledig/nhg-standaard-otitis-externa
- Otites externes aiguës non compliquées. Un traitement local par ciprofloxacine ou ofloxacine, sans corticoïde, est le plus souvent suffisant. La Revue Prescrire 2013;33:443-6
- Premiers Choix Prescrire. Otite externe aiguë bactérienne (Actualisation : mars 2016).
- Kaushik V, Malik T, Saeed SR. Interventions for acute otitis externa. Cochrane Database of Systematic Reviews 2010, Issue 1. Art. No.: CD004740. doi: 10.1002/14651858.CD004740.pub2.
- Hajioff D en Mackeith S. Otitis externa (search date october 2013). Clinical Evidence 2015;06:510