Voyages et médicaments. Bon usage des répulsifs

 
Abstract

L’application d’un répulsif sur la peau constitue une mesure de prévention importante contre certaines maladies tropicales causées par des virus, des parasites et, dans une moindre mesure, des bactéries, qui sont transmis par des moustiques, des tiques ou des mouches des sables. Le DEET 20-50 %, le PMD 30 % et l’icaridine 20-50% sont des options bien étayées; l’IR3535 20% est une autre possibilité mais la durée d’action de l’IR3535 contre les moustiques Anopheles est trop courte pour en recommander l’usage en prévention de la malaria.

Certaines maladies tropicales causées par des virus, des parasites ou des bactéries sont transmises par des morsures de moustiques, de mouches ou de tiques (arthropod-borne diseases). Il est dès lors important de recourir à des mesures insectifuges pour prévenir ces maladies: le port de vêtements couvrants (éventuellement imprégnés de l’insecticide perméthrine), l’utilisation de moustiquaires (de préférence imprégnées des insecticides perméthrine ou delthaméthrine), ou l’application cutanée de répulsifs sur les zones non couvertes. Ce texte traite du bon usage des répulsifs, et se base sur un article paru dans The BMJ. ainsi que sur les recommandations belges à ce sujet (Institut de Médecine Tropicale et Groupe d’Etude Scientifique de la Médecine des Voyages)1. L’usage de répulsifs ne change en rien la nécessité de recourir à d’autres mesures de prévention importantes telles que la prophylaxie médicamenteuse de la malaria.

Le principe actif et le dosage (concentration exprimée en %) sont déterminants en ce qui concerne l’efficacité et la durée de protection d’un répulsif.

  • Pour le DEET (20-50 %; chez les enfants et les femmes enceintes: 20-30%), le PMD (30 %) et l’icaridine (20-50 %) appliqués localement, p.ex. en spray ou en lotion, il existe suffisamment de preuves d’un effet protecteur contre les morsures de moustiques du genre Aedes (vecteur de la dengue, fièvre jaune et chikungunya), Anopheles (vecteur de la malaria) et Culex (vecteur de l’encéphalite japonaise et virus West Nile).
  • L’IR3535 (20 %) a été moins largement étudié que les autres répulsifs; il protège contre les moustiques du genre Aedes et Culex, mais la durée de protection contre les moustiques Anopheles est trop courte pour en recommander l’usage dans des régions où la malaria est endémique.
  • Ces quatre répulsifs peuvent également être utilisés pour lutter contre les mouches des sables (vecteur de Leishmaniose); il ne confèrent qu’une protection modérée contre les tiques (vecteur entre autres d’encéphalite à tique et de la maladie de Lyme); ils ne protègent pas suffisamment contre les mouches tsé-tsé (vecteur de la maladie du sommeil).

Le tableau ci-dessous reprend quelques propriétés et instructions d’utilisation (p.ex. la fréquence d’application) de ces répulsifs. Quelques commentaires préliminaires.

  • Le répulsif doit être réparti de manière uniforme sur toutes les parties du corps non couvertes. Tout contact avec les yeux, les lèvres, la bouche, les muqueuses et une peau lésée ou irritée doit être évité; les répulsifs ne peuvent pas être appliqués sur les mains. Lorsque la protection n’est plus nécessaire, il est préférable d’éliminer le répulsif avec de l’eau, certainement chez les femmes enceintes et les enfants.
  • Dans des conditions chaudes et humides et par vent fort, la durée de protection est généralement moins longue et des applications plus fréquentes peuvent être nécessaires. La sueur diminue également l’efficacité du répulsif.
  • Le DEET est considéré comme sûr lorsqu’il est correctement utilisé (respect de la dose, éviter le contact avec les yeux etc.). Une irritation cutanée peut toutefois survenir. Des effets toxiques sévères du DEET (entre autres convulsions, encéphalopathie) ont été décrits en cas de mauvaise utilisation (application abondante sur la peau, prise systémique, inhalation directe, contact avec les yeux), surtout chez l’enfant. Les autres répulsifs (PMD, icaridine et IR3535) sont également considérés comme sûrs lorsqu’ils sont correctement utilisés, mais ils ont été moins étudiés.
  • Le moment optimal pour appliquer le répulsif dépend des moustiques à combattre (les moustiques Anopheles et Culex piquent entre le coucher et le lever du soleil, les moustiques Aedes piquent pendant la journée).
  • Par prudence, l’application chez les enfants et les femmes enceintes se limitera si possible à une seule application par jour (avec une préférence pour le DEET à une concentration max. de 20-30% chez les enfants et les femmes enceintes, voir tableau). Dans les régions où une protection s’avère nécessaire tant le jour que le soir ou la nuit, il est donc primordial de recourir à d'autres mesures insectifuges (p.ex. moustiquaire).
  • Des études suggèrent que le DEET diminue l’efficacité de la crème solaire, mais que les crèmes solaires n’ont par contre pas d’impact négatif sur l’efficacité du DEET. Il est dès lors conseillé d'utiliser une crème solaire avec un indice de protection plus élevé, d’appliquer le répulsif après la crème solaire et de prévoir en outre des mesures de protection supplémentaires contre les rayons UV.
  • Les répulsifs à base d’huiles essentielles telles la citronnelle (à ne pas confondre avec le citriodol, voir tableau), le thym, le géraniol, la menthe poivrée ou le clou de girofle, à base de vitamine B1 ou à base de métoflurthine, qui sont disponibles par exemple sous forme de lotion, d’emplâtres ou de bracelet, ne sont pas à recommander. Pour certaines de ces préparations, un certain effet favorable temporaire contre les insectes est possible, mais on ne dispose pas de preuves suffisantes pour en recommander l’usage dans des régions endémiques. Ceci est également valable pour les répulsifs à base d’ultrasons. La prise de suppléments en vitamine B12 ou d’ail n’a pas d’effet insectifuge.

The BMJ 2015; 350: h99 www.itg.be

 

Tableau. Quelques propriétés et instructions d’utilisation des répulsifs

Répulsif

Concentration recommandée

Exemples de noms de spécialités avec concentration élevée suffisante

Fréquence de l’application2

Enfants

Grossesse et lactation

DEET (syn. N,N-diéthyl-méta-toluamide)

20 – 50%1, chez les enfants et femmes enceintes: 20-30 %

Care-plus DEET®, Moustimug Original® et Moustimug Tropical®, Parazeet Normal Skin®

Toutes les 6 à 8 heures (en prévention de morsures de tiques: toutes les 2 à 3 heures, voir article "Maladie de Lyme : mise à jour" dans ce numéro des Folia

A partir de l’âge de 2 mois

  • - Grossesse : autorisé 2
  • Allaitement : autorisé

PMD (syn. p-menthane-3,8-diol, un extrait d’eucalyptus; également connu sous le nom de citriodol); ne pas confondre avec la citronnelle

30%

Care-plus Natural® (concentration: 40%), Mosi-guard®

Toutes les 4 à 6 heures

Ne pas utiliser en-dessous de l’âge de 3 ans en raison du manque de données

Pas étudié

Icaridine (syn. hydroxyéthyl isobutyl pipéridine carboxylate, picaridine ou saltidine)

20 – 50%

p.ex. Insect Ecran Special Tropiques® (25%).

Toutes les 4 à 6 heures

Pas d’info dans les sources; suivre le mode d’emploi

Pas étudié

 

20%3

Parazeet Sensitive Skin®, Moustimug Kids®

Toutes les 6 à 8 heures

Pas d’info dans les sources; suivre le mode d’emploi

Pas étudié

1 Plus la concentration de DEET est élevée, plus longue est la durée d’action. Des concentrations supérieures à 50% de DEET n’augmentent pas la durée d’action de manière significative et ne sont pas recommandées.

2 En ce qui concerne le premier trimestre de la grossesse: il n’existe aucune donnée sur le DEET chez la femme pendant le premier trimestre de la grossesse; aucun effet nocif n’a été montré chez des animaux d’expérience. D'après les recommandations belges (ITG, Groupe d’Etude Scientifique de la Médecine des Voyages), le DEET (max. 30%) peut être utilisé pendant toute la durée de la grossesse en prévention des maladies tropicales.

3Il existe une préparation à base de IR3535 à 35 % (Cinq-sur-cinq®); on ne sait toutefois pas si cette préparation à concentration plus élevée est suffisamment efficace en prévention de la malaria.