Le paracétamol a-t-il encore une place dans les lombalgies aiguës ?

[Déjà paru dans la rubrique " Bon à savoir " sur notre site Web le 29/07/14]

Les résultats de la Paracetamol for Low-Back Pain Study (étude PACE)1, une étude rigoureuse sur l’efficacité du paracétamol dans les lombalgies aiguës, ont été publiés ce 24 juillet sur le site Web du The Lancet. Les résultats ne révèlent pas de bénéfice avec le paracétamol (pris régulièrement ou seulement en fonction des besoins) par rapport au placebo, et ce en termes de temps de récupération et d’autres paramètres tels que l’intensité de la douleur, la qualité du sommeil et la fonctionnalité. Vous trouverez ci-dessous quelques détails sur l’étude ainsi que quelques commentaires.


Quelques détails sur l’étude

  • Il s’agit d’une étude randomisée menée en double aveugle en Australie, dans laquelle les patients (n = 1.643, âge moyen 45 ans) ont été randomisés entre:
    • soit un placebo;
    • soit du paracétamol à prendre régulièrement: 2 compr. (libération prolongée) de paracétamol à 665 mg, 3 x p.j. (6 comprimés p.j., ce qui correspond à 3,99 g de paracétamol p.j.);
    • soit du paracétamol pris as needed, c.-à-d. en fonction des besoins ressentis par le patient: 1 ou 2 compr. (classiques, sans libération prolongée) de paracétamol à 500 mg, toutes les 4 à 6 heures (max. 4 g p.j.).
    Tous les patients ont également reçu des conseils concernant le pronostic favorable de leur lombalgie.
  • Les patients ont été principalement recrutés par le biais des médecins traitants et des pharmaciens.
  • Les critères d’inclusion étaient: un nouvel épisode de " lombalgie aiguë " (définie comme des douleurs entre la 12ème côte et le pli fessier, durant moins de 6 semaines et étant précédées d’un mois sans douleur), avec ou sans irradiation de la douleur dans les jambes et les douleurs étant classés au moins comme modérément sévères.
  • Les résultats ne révèlent pas de bénéfice avec le paracétamol (pris régulièrement ou selon les besoins) par rapport au placebo, ni avec le paracétamol pris régulièrement par rapport au paracétamol pris selon les besoins, en ce qui concerne le critère d’évaluation primaire (temps de récupération, par lequel on entend le premier jour d’une période sans douleurs durant 7 jours consécutifs): valeur médiane de 16 à 17 jours dans les trois groupes; 85 % des patients étaient rétablis après 12 semaines.
  • Il n’y avait pas non plus de différences entre les groupes en ce qui concerne les critères d’évaluation secondaires (entre autres intensité de la douleur, qualité du sommeil, fonctionnalité), ni pendant les premières semaines ni après 12 semaines.

www.thelancet.com , publication en ligne le 24/7, http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(14)60805-9


Quelques commentaires

  • Le paracétamol est classiquement considéré comme le premier choix dans la lombalgie aiguë, en se fondant surtout sur le profil d’innocuité favorable du paracétamol et sur le fait que l’effet analgésique a été clairement démontré dans d’autres formes de douleurs aiguës (p.ex. maux de dents, douleurs postopératoires). Jusqu’à ce jour, l’efficacité du paracétamol dans les lombalgies aiguës n’était pas bien étayée. L’étude PACE est la première étude rigoureuse ayant étudié cela.
  • Doit-on pour autant abandonner tout usage du paracétamol dans les lombalgies aiguës suite à cette étude? Les investigateurs et les auteurs de l’éditorial se rapportant à l’étude2 soulignent qu’il est trop tôt pour cela: les résultats doivent être confirmés dans des études complémentaires et dans d’autres populations de patients. En revanche, ces résultats doivent inciter à bien évaluer l’effet obtenu lors de chaque utilisation de paracétamol en cas de lombalgies aiguës, et d’arrêter la prise de paracétamol lorsqu’aucun effet favorable n’est constaté.
  • Doit-on dorénavant conseiller plus rapidement un AINS, classiquement considéré comme second choix dans les lombalgies aiguës? Sûrement pas, le profil d’innocuité des AINS étant moins favorable que celui du paracétamol, et dans des études comparatives menées chez des patients souffrant de lombalgie aiguë, les AINS ne s’avéraient pas plus efficaces que le paracétamol3.
  • La période de récupération rapide dans l’étude PACE pourrait s’expliquer selon les investigateurs par le fait que tous les patients dans l’étude avaient reçu de bons conseils et avaient été rassurés en ce qui concerne le pronostic. Les résultats de l’étude PACE suggèrent donc que ces conseils ainsi que le fait de rassurer le patient doivent occuper une place centrale dans la prise en charge des lombalgies aiguës en première ligne.
  • Les patients dans l’étude PACE souffraient déjà de lombalgies depuis en moyenne 10 jours avant le début de l’étude. Cette étude ne permet donc pas de conclure quant à l’utilité d’une analgésie pendant les premiers jours d'une lombalgie aiguë.

2 www.thelancet.com , publication en ligne le 24/7, http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(14)60978-8

Cochrane Database of Systematic Reviews 2008; 1 Art. No.: CD000396. DOI: 10.1002/14651858.CD000396.pub3.