Vaccination contre la coqueluche en période de grossesse


Abstract

L’incidence de la coqueluche est en augmentation dans le monde entier, y compris dans les pays industrialisés. Le fait d’avoir contracté l’infection ne protège pas à vie et la protection conférée par le vaccin ne persiste que quelques années. Il en résulte que l’agent pathogène continue de circuler, et que les jeunes nourrissons, chez lesquels l’évolution de la coqueluche peut être très grave, courent un plus grand risque d’être infectés. Afin de mieux protéger les jeunes nourrissons qui n’ont été que partiellement ou pas encore vaccinés, plusieurs mesures ont été prises ces dernières années, à savoir la vaccination de rappel des adolescents et la vaccination dite "cocoon". Afin de réduire encore davantage le risque chez les jeunes nourrissons, le Conseil Supérieur de la Santé recommande également, depuis fin 2013, la vaccination des femmes enceintes, et ce à chaque grossesse et de préférence entre la 24e et la 32e semaine de grossesse.

Commentaire du CBIP

La vaccination contre la coqueluche en période de grossesse peut se justifier sur base des données concernant la transmission transplacentaire des anticorps contre la coqueluche et de données récentes rassemblées au Royaume-Uni concernant l’effet de la vaccination sur l’incidence de la coqueluche et des hospitalisations dues à celle-ci chez le jeune nourrisson. Les preuves d’un impact réel de la vaccination pendant la grossesse sur la morbidité et la mortalité liées à la coqueluche chez le jeune nourrisson restent toutefois faibles. Toutes les données disponibles révèlent néanmoins que la vaccination avec des vaccins non vivants, tels que le vaccin contre la coqueluche, peut se faire de manière sûre en période de grossesse.


Contexte

L’incidence de la coqueluche est en augmentation dans de nombreux pays industrialisés, y compris en Belgique.1 Les jeunes nourrissons, qui sont le plus à risque de complications sévères liées à la coqueluche, courent donc un risque croissant d’être exposés à l’agent pathogène. 2 Afin de mieux protéger les jeunes nourrissons qui n’ont été que partiellement ou pas encore vaccinés contre la coqueluche, plusieurs mesures ont déjà été prises en Belgique depuis plusieurs années: revaccination des adolescents et vaccination des adultes en contact fréquent avec des nourrissons (tels les futurs parents, les parents juste après la naissance, les grands-parents) (vaccination "cocoon") [voir Folia d' avril 2008 et de février 2013 ]. Depuis fin 2013, le Conseil Supérieur de la Santé recommande également la vaccination des femmes enceintes, et ce à chaque grossesse et de préférence entre la 24e et la 32e semaine de grossesse. 3 La vaccination des femmes enceintes est également recommandée dans d’autres pays, comme au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

1 Les raisons sont multifactorielles: diminution de la protection conférée par le vaccin à partir de 5 à 10 ans après la vaccination; pas d’immunité à vie après avoir contracté l’infection; plus grande vigilance par rapport aux cas de coqueluche; meilleures possibilités de diagnostic.

2 Depuis 2010, on compte en Belgique 1 à 5 cas par an de coqueluche à issue fatale chez de jeunes nourrissons. Depuis 2000, les cas de coqueluche observés chez les enfants âgés de moins d’un an concernent surtout des nourrissons âgés de moins de 6 mois. (Source : Fiche de vaccination CSS 9110)

3 Fiche de vaccination CSS 9110 " Vaccination anticoquelucheuse " (dernière révision 2014)


Données récemment mises à disposition

  • Au Royaume-Uni (RU), alors que les cas de coqueluche atteignaient un pic en octobre 2012, une campagne a été lancée en faveur de la vaccination systématique des femmes enceintes dans le 3e trimestre de la grossesse avec un vaccin polyvalent tétanos-diphtérie-coqueluchepolio. Les données concernant les femmes vaccinées et leurs enfants ont été collectées entre octobre 2012 et septembre 2013 et ont été traitées dans deux études observationnelles, l’une portant sur l’efficacité, l’autre sur l’innocuité.
    • Etude d’efficacité.4 Après la campagne de vaccination, une diminution du nombre de "cas de coqueluche confirmés en laboratoire" et du nombre de cas d’hospitalisations dues à la coqueluche a été observée au RU, non seulement chez les très jeunes nourrissons mais également chez les enfants plus âgés et les adolescents. L’incidence de la coqueluche évolue de manière cyclique, avec des pics tous les 3 à 4 ans dans la période de juillet à septembre; la diminution observée dans cette étude pourrait donc être due à cette évolution cyclique. La diminution était toutefois plus importante chez les très jeunes enfants que chez les enfants plus âgés et les adolescents, ce qui suggère un effet lié à la campagne de vaccination.
    • Dans l’étude d’innocuité5, environ 20.000 femmes enceintes vaccinées ont été comparées à des femmes enceintes non vaccinées. On n’a pas constaté de différences au niveau de l’incidence des complications sévères liées à la grossesse, telles que la (pré)éclampsie, la mortalité intra-utérine, la mortinaissance, le décès de la mère ou du nouveau-né, que ce soit immédiatement après la vaccination (dans les 2 semaines) ou durant toute la période ultérieure de la grossesse (suivi jusqu’à 44 semaines au moins après la dernière menstruation).
  • Une étude randomisée en double aveugle, de petite taille (n = 48), a été menée aux Etats-Unis.6 Un vaccin trivalent tétanos-diphtérie-pertussis a été utilisé: chez la moitié des femmes, le vaccin a été administré pendant la grossesse, et dans l’autre moitié juste après l’accouchement. On n’a pas observé de différences entre les deux groupes en ce qui concerne la fréquence des effets indésirables liés à la vaccination, tels que des réactions au site d’injection ou des réactions systémiques (entre autres céphalées, myalgies, malaise). Les données révèlent une transmission transplacentaire des anticorps contre la coqueluche au nouveau-né. L’étude était de taille trop réduite pour pouvoir étudier l’effet sur l’incidence de la coqueluche. L’étude a également évalué chez le nouveau-né si les taux élevés d’anticorps induits par la vaccination en période de grossesse, avaient un impact sur la réponse immunitaire lors de la vaccination de l’enfant contre la coqueluche: la réponse à la troisième dose du vaccin contre la coqueluche (administrée à l’âge de 7 mois) était réduite pour l’un des antigènes coquelucheux contenus dans le vaccin, mais après la dose à l’âge de 13 mois, il n’y avait plus de différences entre les enfants, que leur mère ait été vaccinée ou non pendant la grossesse.

4The Lancet, early Online Publication, 16 juillet 2014 (doi:10.1016/S0140-6736(14)60686-3), avec éditorial (doi:10.1016/ S0140-6736(14)60977-6)

5 Brit Med J 2014; 349: g4219 (doi :10.1136/bmj.g4219), avec éditorial 349: g4518 (doi:10.1136/bmj.g4518)

6 JAMA 2014; 311: 1760-9 (doi :10.1001/jama.2014.3633), avec éditorial 311: 1736-7 (doi :10.1001/jama.2014.3555)


Que nous apprennent les résultats de ces études ?

En ce qui concerne l’efficacité. Jusqu’il y a peu, on ne disposait que de données démontrant que les anticorps contre la coqueluche étaient transmis par voie transplacentaire lors de la vaccination de la mère durant le 3e trimestre de la grossesse. L’étude menée au RU est la première étude à suggérer que la vaccination a un effet positif sur l’incidence de la coqueluche et sur le risque d’hospitalisation due à celle-ci chez le nouveau-né.

En ce qui concerne l’innocuité. Les études discutées ici renforcent les données existantes selon lesquelles la vaccination avec un vaccin non vivant, tel que le vaccin contre la coqueluche, est inoffensive en période de grossesse. D’après les données actuellement disponibles, la vaccination en période de grossesse ne semble pas ou peu modifier la réponse immunitaire lors de la vaccination ultérieure de l’enfant contre la coqueluche.


Commentaire du CBIP

La vaccination contre la coqueluche en période de grossesse (de préférence entre la 24e et la 32e semaine de grossesse) constitue jusqu’à présent la seule mesure supplémentaire pouvant être prise pour protéger davantage les jeunes nourrissons pas encore vaccinés ou seulement partiellement. Cette recommandation peut se justifier sur base des données concernant la transmission transplacentaire des anticorps contre la coqueluche et des données des études récemment publiées. Les preuves d’un impact réel sur la morbidité et la mortalité liées à la coqueluche chez le jeune nourrisson restent toutefois faibles. Toutes les données disponibles révèlent toutefois que la vaccination avec des vaccins non vivants, tels que le vaccin contre la coqueluche, peut se faire de manière sûre en période de grossesse. Il est indispensable de continuer à rassembler des données afin de pouvoir mieux définir le rapport bénéfice/risque de la vaccination contre la coqueluche en période de grossesse. Il convient en outre de poser quelques questions critiques, dont certaines ont d’ailleurs été formulées dans les éditoriaux se rapportant aux études abordées ici: (1) Faut-il vacciner systématiquement contre la coqueluche en période de grossesse ou uniquement en période d’incidence accrue de la coqueluche? (2) Est-il nécessaire et souhaitable de vacciner à chaque grossesse, et ne devrait-on pas privilégier les vaccins monovalents, c.- à-d. des vaccins dirigés uniquement contre la coqueluche? (3) Pour diminuer l’incidence globale de la coqueluche, ne faudrait-il pas investir, dans des vaccins plus efficaces, avec une plus longue durée d’immunité que les vaccins inactivés actuels (vaccins vivants, autre voie d’administration, autre composition d’antigènes basée sur des analyses des souches en circulation)?

Il est utile de notifier toute suspicion d’effet indésirable, en particulier lorsqu’il est grave et/ou inattendu, auprès du Centre Belge de Pharmacovigilance (en utilisant la fiche jaune ou en ligne sur www.fichejaune.be ).


Note

  • En Communauté flamande, Boostrix®, un vaccin trivalent contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche, est mis à disposition gratuitement pour la vaccination des femmes enceintes, des adultes dans le cadre de la vaccination de rappel contre le tétanos et pour la vaccination " cocoon ". Le vaccin doit être commandé via Vaccinnet. En cas de délivrance sur prescription dans la pharmacie, les frais du vaccin Boostrix® sont entièrement ou partiellement (catégorie b, chapitre IV, contrôle a priori) à charge du patient. Tedivax Pro Adulto®, le vaccin bivalent contre la diphtérie et le tétanos, n’est plus mis à disposition gratuitement et est remboursé en catégorie b en cas de délivrance sur prescription.
  • En Communauté française, le vaccin Boostrix® sera mis à disposition gratuitement pour la vaccination en période de grossesse à partir du 1er janvier 2015.