Prise en charge des exacerbations de BPCO en pratique ambulatoire
Abstract |
Le présent article reprend les messages-clés de la recommandation de BAPCOC sur la prise en charge des exacerbations aiguës de la BPCO dans la pratique ambulatoire, et discute de façon un peu plus approfondie de la définition d’une « exacerbation aiguë de la BPCO », de l’évaluation de la gravité d’une exacerbation, de la technique d’inhalation ainsi que de la place et du choix des antibiotiques.
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Dans les
Folia de janvier 2007 , un article a été consacré au traitement d’entretien de la BPCO, sur base des recommandations de GOLD (Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease , une initiative internationale concernant la pneumopathie chronique obstructive, voir
www.goldcopd.com ). Le présent article porte sur la recommandation de la Commission belge de coordination de la politique antibiotique (BAPCOC) parue en 2009, concernant la prise en charge des exacerbations aiguës de la BPCO dans la pratique ambulatoire (voir
www.health.belgium.be/eportal/Myhealth/Care/Properuse/Antibiotics/BAPCOC , cliquer successivement à gauche sur « Pratique ambulatire » et à droite sur « Recommandations »).
Les messages-clés de cette recommandation sont les suivants.
- Il est important de distinguer une exacerbation non sévère d’une exacerbation (très) sévère, étant donné que la prise en charge est différente.
- En cas d’exacerbation non sévère, il convient en premier lieu de contrôler l’observance thérapeutique et la technique d’inhalation, d’optimaliser le traitement bronchodilatateur, et d’envisager un traitement par des corticostéroïdes (par voie orale) en cas d’effet insuffisant. L’usage systématique d’antibiotiques n’est certainement pas recommandé.
- En cas d’exacerbation sévère, on peut renvoyer aux mesures à prendre en cas d’exacerbation non sévère, sauf que, dans ce cas-ci, la théophylline peut également être envisagée, des corticostéroïdes (par voie orale) seront instaurés plus rapidement, et l’usage d’antibiotiques est en principe recommandé.
- En cas d’exacerbation très sévère, le patient doit être immédiatement adressé à un spécialiste.
Les définitions utilisées reprennent en principe un ou plusieurs des critères suivants: apparition de certains symptômes (surtout dyspnée, production d’expectorations, toux, expectorations purulentes), nécessité d’adapter le traitement médicamenteux, et parfois aussi modification du VEMS et nécessité d’hospitalisation. L’absence d’unanimité fait que différentes définitions sont utilisées dans les études cliniques, ce qui complique la comparaison de ces études.
Dans les recommandations de GOLD, une « exacerbation aiguë de la BPCO » est définie comme: une aggravation de la dyspnée (symptôme principal), souvent accompagnée d’une respiration sifflante, d’une augmentation de la toux et/ou de la production d’expectorations, d’un changement de la couleur et de la viscosité des expectorations, et enfin de fièvre; l’aggravation des symptômes est plus prononcée que les variations journalières habituelles, et commence de manière aiguë, nécessitant éventuellement une adapation du traitement médicamenteux. La fréquence des exacerbations varie fortement d’un patient à l’autre, mais elle est généralement en corrélation avec la gravité et la durée de la BPCO sous-jacente. Ainsi, on sait que les exacerbations sont plus fréquentes lorsque le VEMS est < 50% de la valeur prédite.
Il n’existe pas d’instrument clinique validé en pratique ambulatoire permettant de distinguer une exacerbation sévère d’une exacerbation non sévère. On a donc essayé de distinguer les exacerbations non sévères des exacerbations sévères à très sévères en fonction des degrés d’aggravation ou de la modification des symptômes par rapport à la phase stable: voir Tableau 1.
Tableau 1: Gradations pour l’aggravation ou la modification des symptômes versus phase stable (repris de la recommandation de BAPCOC)
Exacerbation non sévère |
Exacerbation sévère |
Exacerbation très sévère / symptômes d’alarme |
- Absence de symptômes d’une exacerbation aiguë (très) sévère
- Dyspnée ↑ à l’effort
- Modification des crachats +
- Toux ↑
- Fièvre < 38,5°C et < 3 jours
- Absence de symptômes persistants après le traitement initial
- Pas de facteur de risque d’une infection à P. aeruginosa*
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- Absence de symptômes d’alarme
- Dyspnée (accrue) au repos
- Modification des crachats +++
- Toux ↑↑
- Fièvre > 38,5°C
- Fréquencerespiratoire > 25/min.
- Fréquencecardiaque > 110/min.
- Mobilisation (accrue) des muscles respiratoires accessoires au repos (augmentation de la dyspnée au repos)
- Difficulté pour formuler une phrase complète, impossibilité de repos couché
- (Augmentation de la) cyanose
- Mal-être sévère
- Survenue de protusion labiale (purse lip breathing)
- Survenue d’oedèmepériphérique
- Diminution marquée des activités de la vie quotidienne(ADL)
- Pas de facteur de risque d’une infection à P. aeruginosa*
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- Dyspnée jusqu’à l’épuisement
- Dyspnée aiguë sévère et absence d’effet d’une bronchodilatation dans les 30 minutes
- Troubles de l’équilibre et confusion ++ (peut indiquer la présence d’une hypercapnie)
- Fréquencerespiratoire ↓
- Etat de conscience ↓
- Augmentation de l’hypoxémie
- Pression artérielle systolique anormalement basse (peut indiquer la présence d’une embolie pulmonaire, certainement en l’absence de réponse à une oxygénothérapie).
- Facteurs de risque d’une infection à P. aeruginosa*
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* Facteurs de risque d’une infection à P. aeruginosa:
- hospitalisation récente
- usage fréquent d’antibiotiques (4 cures par an)
- BPCO très sévère en phase stable
- P. aeruginosa isolé lors de précédentes exacerbations ou colonisation en phase stable.
Lors de chaque exacerbation, il convient de vérifier si la technique d’inhalation est bien appliquée (voir Tableau 2). En même temps, il convient de contrôler si la forme d’administration est toujours la plus adéquate. Lorsque le flux inspiratoire devient insuffisant, il est préférable de prescrire un aérosol doseur avec une chambre d’expansion. En cas d’exacerbation très sévère, il est conseillé d’administrer temporairement les bronchodilatateurs par aérosol avec un embout buccal et non plus au masque. Il convient alors de veiller à ce que l’exposition des yeux soit réduite au maximum, étant donné que les bronchodilatateurs peuvent provoquer un glaucome à angle fermé; il est aussi important de garder l’aérosol bien propre, vu qu’il peut être contaminé par des bactéries Gram négatives éventuellement résistantes, telles que Pseudomonas aeruginosa. [N.d.l.r.: après l’inhalation, il est important de bien rincer la bouche (risque de candidose)].
Tableau 2. Technique d’inhalation pour les différentes formes d’administration
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Aérosol doseur
Secouer l’inhalateur avant usage, se tenir bien droit sur son siège, expirer, inspirer lentement tout en appuyant sur l’aérosol, retenir la respiration au moins durant 5 secondes.
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Chambre d’expansion avec aérosol doseur
Secouer l’inhalateur avant usage, se tenir bien droit sur son siège, administrer une seule bouffée à la fois; immédiatement après la nébulisation, inspirer calmement cinq fois, pour limiter le dépôt du médicament sur la paroi de la chambre; secouer à nouveau l’inhalateur et recommencer; laver les chambres d’expansion en plastique une fois par semaine et les laisser ensuite sécher à l’air libre ou au sèche-cheveux. Les essuyer avec un torchon peut provoquer de l’électricité statique entraînant le dépôt du médicament sur la paroi. Contrôler le mécanisme de la valve.
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Inhalateur à poudre
Expirer avant d’inhaler (pas dans l’inhalateur), inspirer fortement et profondément, retenir la respiration durant cinq secondes.
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- En cas d’exacerbations non sévères, aucune étude ne justifie la prescription systématique d’antibiotiques. Les antibiotiques sont toutefois recommandés chez:
- les patients gravement malades;
- les patients dont l’état ne s’améliore pas après 4 jours, ou dont l’état s’aggrave malgré un usage optimal de bronchodilatateurs et de corticostéroïdes.
- En cas d’exacerbations sévères, les antibiotiques sont en principe recommandés, surtout en cas de mauvaise fonction pulmonaire en phase stable (VEMS < 50% de la valeur prédite), en présence d’expectorations fortement purulentes, chez les patients gravement malades, et lorsque l’état du patient s’aggrave malgré l’application optimale des autres mesures (surtout des bronchodilatateurs et des corticostéroïdes).
Le choix de l’antibiotique dans le “Guide belge des traitements anti-infectieux en pratique ambulatoire” (BAPCOC) est formulé comme suit.
- Premier choix: amoxicilline par voie orale 1 g, 3 x par jour pendant 8 jours.
- En cas d’amélioration insuffisante après 48 heures, on remplace la moitié de la dose quotidienne totale d’amoxicilline par l’association amoxicilline + acide clavulanique (voir Note dans l’article “Usage rationnel des antibiotiques dans les infections aiguës des voies respiratoires en première ligne” dans ce même numéro des Folia).
- En cas d’allergie à la pénicilline non médiée par des IgE, le céfuroxime axétil par voie orale (500 mg, 3 x par jour pendant 8 jours) constitue une alternative.
- En cas d’allergie à la pénicilline médiée par des IgE, la moxifloxacine par voie orale (400 mg, 1 x par jour pendant 8 jours) constitue une alternative.
(VEMS) («Forced Expiratory Volume in 1 second » ou FEV1): volume d’air expiré après une inspiration maximale pendant la première seconde d’une expiration forcée.
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