Association de bronchodilatateurs à longue durée d’action et de corticostéroïdes dans la BPCO: nouvelles données


Abstract

Deux études récentes sur l’association de bronchodilatateurs à longue durée d’action et de corticostéroïdes à inhaler chez des patients atteints de BPCO n’apportent pas d’arguments en faveur d’un traitement immédiat systématique par plusieurs bronchodilatateurs à longue durée d’action ou par une association d’un bronchodilatateur à longue durée d’action et d’un corticostéroïde à inhaler. Comme mentionné dans les recommandations de GOLD, les corticostéroïdes à inhaler sont à réserver pour les patients atteints d’une BPCO de gravité sévère à très sévère (VEMS <50%) et présentant des exacerbations fréquentes (définies selon NICE comme au moins 2 exacerbations par an).

Dans les Folia de janvier 2007 , l’attention a été attirée sur la BPCO, en particulier les recommandations révisées de GOLD. Les effets à long terme du traitement médicamenteux de la BPCO, certainement en ce qui concerne la mortalité, ne sont pas bien connus. Deux études récentes sur l’association de bronchodilatateurs à longue durée d’action (il s’agissait du β2-mimétique à longue durée d’action salmétérol et de l’anticholinergique à longue durée d’action tiotropium) et de corticostéroïdes à inhaler chez des patients atteints de BPCO apportent des informations complémentaires à ce sujet.


Association salmétérol + fluticasone à inhaler

[étude TORCH: N Engl J Med 2007; 356: 775-89 , avec un éditoria 356: 851-4]

L’étude TORCH est une étude à large échelle randomisée contrôlée par placebo en double aveugle, portant sur 6.112 patients atteints d’une BPCO (le VEMS après bronchodilatation dans l’étude était en moyenne de 44 % de la valeur prédictive), dans laquelle les traitements suivants ont été comparés pendant 3 ans.

  • Placebo
  • Fluticasone: 500 μg 2 x p.j.
  • Salmétérol: 50 μg 2 x p.j.
  • Salmétérol (50 μg) + fluticasone (500 μg): 2 x p.j.

- Le critère d’évaluation primaire était la mortalité quelle qu’en soit la cause: la mortalité ne différait pas entre les groupes.

- Les critères d’évaluation secondaires étaient le nombre d’exacerbations modérément sévères à sévères (définies comme une aggravation symptomatique nécessitant des antibiotiques et/ou des corticostéroïdes par voie systémique et/ou une hospitalisation), la qualité de vie et la fonction pulmonaire (VEMS). Pour la plupart des critères d’évaluation secondaires, les résultats étaient meilleurs dans les trois groupes traités que dans le groupe placebo. Les résultats étaient aussi le plus souvent meilleurs dans le groupe traité par l’association salmétérol + fluticasone, que dans les groupes traités par un seul de ces médicaments.

- En ce qui concerne les effets indésirables, une pneumonie a été plus fréquemment rapportée dans les deux groupes traités par la fluticasone, par rapport aux autres groupes; ce qui était inattendu. L’incidence de fractures, d’effets indésirables cardiaques et de cataracte ne différait pas entre les différents groupes.

- Le pourcentage d’abandons dans l’étude (' drop-out ') était élevé: 34 à 44 % (pas de différence entre les groupes d’un point de vue statistique).


Association tiotropium + salmétérol + fluticasone à inhaler

[ Ann Intern Med early on-line le 20 février 2007]

Il s’agit d’une étude randomisée en double aveugle portant sur 449 patients atteints de BPCO (le VEMS après bronchodilatation dans cette étude était en moyenne de 41 à 42 % de la valeur prédictive), dans laquelle les traitements suivants ont été comparés pendant un an.

  • Tiotropium (18 μg 1 x p.j.).
  • Tiotropium (18 μg 1 x p.j.) + salmétérol (50 μg 2 x p.j.).
  • Tiotropium (18 μg 1 x p.j.) + salmétérol (50 μg 2 x p.j.) + fluticasone (500 μg 2 x p.j.).

- Le critère d’évaluation primaire était le nombre de patients qui avaient eu au moins une exacerbation nécessitant des corticostéroïdes par voie systémique ou des antibiotiques: il n’y avait pas de différence entre les groupes.

- Les critères d’évaluation secondaires étaient le nombre d’exacerbations par patient et par année, le nombre d’exacerbations nécessitant une hospitalisation, le nombre d’hospitalisations quelle qu’en soit la cause, la qualité de vie, la dyspnée, la fonction pulmonaire (VEMS). Pour les critères d’évaluation exacerbations nécessitant une hospitalisation, hospitalisations quelle qu’en soit la cause, qualité de vie et VEMS, les résultats étaient meilleurs dans le groupe sous tiotropium + salmétérol + fluticasone que dans le groupe sous tiotropium; pour le groupe sous tiotropium + salmétérol, seule la qualité de vie était meilleure que dans le groupe sous tiotropium.

- Le pourcentage d’abandons était élevé dans tous les groupes, mais était de manière statistiquement significative plus faible dans le groupe sous tiotropium + salmétérol + fluticasone: 26 % versus 43 et 47 %.


Quelques commentaires

  • L’étude sur l’association salmétérol + fluticasone (l’étude TORCH) est une étude à large échelle annoncée depuis longtemps sur les effets à long terme d’un corticostéroïde à inhaler en association à un bronchodilatateur à longue durée d’action chez des patients atteints de BPCO. Aucun effet sur le critère d’évaluation primaire, la mortalité, n’a été constaté par rapport au placebo, contrairement à ce qui avait été suggéré sur base de données rétrospectives. Un traitement par un bronchodilatateur à longue durée d’action seul n’a pas eu non plus d’influence sur la mortalité.
  • L’étude sur le tiotropium + salmétérol + fluticasone n’a pu montrer, par rapport à un traitement par un seul bronchodilatateur à longue durée d’action, aucun bénéfice d’un traitement par deux bronchodilatateurs à longue durée d’action ou d’une association de deux bronchodilatateurs et d’un corticostéroïde sur le critère d’évaluation primaire (le nombre de patients ayant présenté au moins une exacerbation nécessitant des corticostéroïdes par voie systémique ou des antibiotiques).
  • Aucune des deux études n’a montré d’effets sur le critère d’évaluation primaire, mais bien sur un certain nombre de critères d’évaluation secondaires. Des différences statistiquement significatives concernant des critères d’évaluation secondaires ne permettent cependant pas de tirer des conclusions définitives, et permettent tout au plus d’émettre des hypothèses: le hasard a en effet un rôle plus important et les résultats sont moins fiables [voir aussi à ce sujet Minerva 2006; 5: 81].
  • Ces deux études n’apportent pas d’arguments en faveur d’un traitement immédiat systématique des patients atteints de BPCO par plusieurs bronchodilatateurs à longue durée d’action ou par une association d’un bronchodilatateur à longue durée d’action et d’un corticostéroïde à inhaler. Comme mentionné dans les recommandations de GOLD, les corticostéroïdes à inhaler sont à réserver pour les patients atteints d’une BPCO de gravité sévère à très sévère (VEMS <50%) et présentant des exacerbations fréquentes (définies selon NICE comme au moins 2 exacerbations par an). De plus, les risques doivent toujours être mis en balance; l’observation dans l’étude TORCH d’une incidence accrue de pneumonie dans le groupe traité par des corticostéroïdes à inhaler nécessite une attention particulière et des études complémentaires.

Note

Alors que l’article était en cours d’impression, une analyse groupée de 7 études randomisées contrôlées par placebo (toutes d’une durée d’au moins 12 mois; les résultats de l’étude TORCH n’étaient pas encore disponibles) sur l’effet des corticostéroïdes à inhaler sur l’évolution du VEMS chez des patients atteints de BPCO a été publiée dans Chest [2007; 131: 682-9avec un éditorial : 648-9].Au cours des 6 premiers mois de traitement, une augmentation du VEMS a été observée avec les corticostéroïdes à inhaler par rapport au placebo (surtout chez les femmes et les non-fumeurs), mais le VEMS diminuait ensuite aussi vite que sous placebo. Un argument de plus pour ne pas utiliser les corticostéroïdes à inhaler en dehors des recommandations de GOLD.