Traitement de fond de la polyarthrite rhumatoïde
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie immunitaire chronique qui se manifeste par des symptômes articulaires (douleur, gonflement, raideur, limitation des mouvements), parfois par des symptômes généraux (fatigue, fièvre, sudation, perte de poids) et des atteintes systémiques (nodules, atteintes pulmonaires, vasculite…). La polyarthrite rhumatoïde se manifeste classiquement par une atteinte polyarticulaire symétrique des articulations de la main et du pied. Au cours de l’évolution de la maladie, le processus peut toutefois s’étendre à n’importe quelle articulation, y compris les grosses articulations. La maladie peut aussi se présenter de façon atypique (mono- ou oligoarthrite). La maladie peut évoluer vers la destruction des articulations et est associée au long cours à un risque accru de maladies cardio-vasculaires et à de l’ostéoporose. La prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde est multidisciplinaire et repose sur des mesures médicamenteuses et non médicamenteuses (kinésithérapie, ergothérapie, soutien psychologique). Le traitement médicamenteux de la polyarthrite rhumatoïde a déjà été discuté dans les Folia de mars 2005 et février 2008 . Le traitement symptomatique fait appel à des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et à des glucocorticoïdes. Le traitement de fond par des disease-modifying antirheumatic drugs (DMARD) constitue la pierre angulaire du traitement médicamenteux et fait appel à des DMARD classiques (tels le méthotrexate, le léflunomide, la sulfasalazine, les antipaludéens chloroquine et hydroxychloroquine), ainsi qu’à des DMARD développés plus récemment, en particulier les agents biologiques. A côté des DMARD, les glucocorticoïdes exercent eux aussi un effet favorable sur l’évolution de la maladie. La prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde a fortement évolué ces dernières années; cet article se base surtout sur les recommandations publiées récemment par le National Institue for Health and Clinical Excellence (NICE) ainsi que par l’ European League Against Rheumatism (EULAR). Objectif du traitementL’objectif du traitement de la polyarthrite rhumatoïde est d’atteindre endéans les 3 ou 6 premiers mois une rémission clinique et radiologique, ou au moins le plus faible niveau possible d’activité de la maladie. Plusieurs études randomisées contrôlées ont en effet montré un effet bénéfique d’une prise en charge précoce et intensive sur l’évolution des symptômes cliniques, la destruction articulaire, la fonctionnalité et la qualité de vie à long terme. Il est dès lors recommandé de référer le plus rapidement possible à un rhumatologue tout patient susceptible d’être atteint d’une polyarthrite rhumatoïde et, lorsque le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde est confirmé, d’instaurer sans délai un traitement de fond par un DMARD. Le traitement sera ensuite évalué régulièrement (tous les 2 mois) et adapté de façon à atteindre l’objectif visé dans un délai de 3 à 6 mois (« treat to target »). Traitement de fondDe nombreux médicaments sont proposés comme traitement de fond. Parmi ceux-ci, on distingue les DMARD classiques, tels le méthotrexate, le léflunomide, la sulfasalazine, les antipaludéens chloroquine et hydroxychloroquine, et les DMARD plus récents, en particulier les agents biologiques, tels les inhibiteurs du TNF (adalimumab, certolizumab, étanercept, golimumab, infliximab), l’abatacept, le rituximab et le tocilizumab. Il n’existe plus de spécialités à base de sel d’or en Belgique. Bien que les glucocorticoïdes ne soient pas considérés comme DMARD, ils exercent aussi un effet favorable sur l’évolution de la maladie. Quel est le traitement de premier choix ?Le méthotrexate est efficace à la fois sur les symptômes cliniques et sur les signes radiologiques de la polyarthrite rhumatoïde et représente le traitement de premier choix. Le traitement est administré par voie orale en une prise par semaine; la dose de départ est généralement de 7,5 à 15 mg par semaine et celle-ci peut être augmentée progressivement jusqu’à 25 mg par semaine. La dose hebdomadaire peut éventuellement être fragmentée en 3 prises à 12 heures d’intervalle. Les principaux effets indésirables du méthotrexate aux doses utilisées dans la polyarthrite rhumatoïde consistent en une hépatotoxicité, des troubles gastro- intestinaux, des troubles hématologiques et rarement une atteinte pulmonaire. La déficience en acide folique peut augmenter la toxicité du méthotrexate, et l’administration d’acide folique (en préparation magistrale) à raison de 5 à 10 mg par semaine, soit en prises journalières (1 mg par jour), soit en une prise hebdomadaire (5 mg par semaine), permet de diminuer certains effets indésirables du méthotrexate (p. ex. les troubles gastro-intestinaux et hématologiques) [voir Folia d' avril 2006 ]. Le léflunomide et la sulfasalazine peuvent être des alternatives pour le traitement précoce en cas de contre-indication ou d’intolérance au méthotrexate, mais leur efficacité et leur innocuité sont moins bien étayées. Les antipaludéens chloroquine et hydroxychloroquine paraissent moins efficaces que les autres DMARD mais ils sont parfois utilisés, p. ex. dans les formes plus légères de polyarthrite rhumatoïde ou en association. Le léflunomide et le méthotrexate sont contre-indiqués pendant la grossesse, mais aussi avant la conception (pendant 3 à 6 mois avant la conception pour le méthotrexate, pendant 1 à 2 ans pour le léflunomide). Monothérapie ou association de DMARD ?Il est généralement admis que les patients avec un pronostic favorable répondent souvent bien à une monothérapie par le méthotrexate. Par contre, les patients atteints d’une forme grave et agressive répondent mieux à un schéma de départ comportant également des glucocorticoïdes. Des études ont montré que l’association d’un autre DMARD (DMARD classique ou agent biologique) au méthotrexate augmente son efficacité à la fois sur les symptômes cliniques et sur les signes radiologiques de la polyarthrite rhumatoïde.
Quel est le rôle des glucocorticoïdes ?Outre leur effet symptomatique anti-inflammatoire, les glucocorticoïdes exercent aussi un effet favorable sur l’évolution de la maladie. Une revue systématique d’études randomisées a montré que l’administration de glucocorticoïdes par voie orale (7,5 à 10 mg/jour de prednisolone ou équivalent) en association à un DMARD ou à une association de DMARD diminue la destruction articulaire et améliore les symptômes. Etant donné que les glucocorticoïdes diminuent rapidement l’activité de la maladie, ils peuvent être utiles lors de l’instauration d’un traitement de fond (parfois à dose plus élevée avec ensuite diminution de la dose). Vu les risques d’un traitement prolongé par des glucocorticoïdes, il est toutefois préférable d’arrêter ce traitement ou de maintenir la dose aussi faible que possible dès que les symptômes sont sous contrôle. Les agents biologiquesLes agents biologiques regroupent les inhibiteurs du TNF (adalimumab, certolizumab, étanercept, golimumab, infliximab) ainsi que l’abatacept, le rituximab et le tocilizumab.
Arrêt du traitementChez les patients qui présentent une rémission clinique persistante, la question se pose souvent de savoir si le traitement de fond peut être diminué ou arrêté. L’arrêt du traitement de fond peut provoquer une poussée inflammatoire et une diminution progressive et lente du traitement de fond n’est envisageable qu’en cas de rémission prolongée (plus de 6 mois), et en concertation avec le rhumatologue et le patient. RéférencesAnonymous. National Institute for Health and Clinical Excellence. Rheumatoid arthritis.The management of rheumatoid arthritis in adults. NICE clinical guideline 79, February 2009 (via www.nice.org.uk ) Anonymous.: EULAR Task Force. EULAR recommendations for the management of rheumatoid arthritis with synthetic and biological disease-modifying antirheumatic drugs. Ann Rheum Dis 2010; 69: 964-75 (doi:10.1136/ard.2009.126532) Knevel R, Schoels M et al.: Current evidence for a strategic approach to the management of rheumatoid arthritis with disease-modifying antirheumatic drugs: a systematic literature review informing the EULAR recommendations for the management of rheumatoid arthritis. Ann Rheum Dis 2010; 69: 987-94 (doi:10.1136/ard.2009.126748) Tugwell P, Singh JA et al.: Biologicals for rheumatoid arthritis. Brit Med J 2011; 343: d4027 (doi:10.1136/bmj.d4027) Verschueren P et Westhovens R.: Optimal care for early RA patients: the challenge of translating scientific data into clinical practice. Rheumatology 2011; 50: 1194-200 (doi: 10.1093/rheumatology/ker131) |