Tabagisme et médicaments


Abstract

Le tabagisme peut présenter, avec certains médicaments, des interactions pharmacocinétiques (par ex. avec la théophylline) ou pharmacodynamiques (par ex. avec les contraceptifs oraux). Un certain nombre d’interactions peuvent avoir un impact clinique significatif.

Le tabagisme peut donner lieu à des interactions médicamenteuses. La plupart des connaissances à ce sujet concerne la consommation de cigarettes. Quelques-uns seulement des plus de 3.000 produits chimiques présents dans la fumée de cigarette ont été étudiés quant à leurs effets toxicopharmacologiques sur l’organisme: les principaux sont les hydrocarbures polycyliques aromatiques


Interactions pharmacocinétiques

Le tabagisme induit certaines isoenzymes du cytochrome P450 (CYP), en particulier le CYP1A1 et le CYP1A2, et probablement aussi le CYP2E1 [voir Folia d’ aout 999 concernant les isoenzymes CYP]. Parmi ces 3 isoenzymes, le CYP1A2 joue surtout un rôle dans le métabolisme des médicaments. Par induction enzymatique, un métabolisme accéléré peut survenir, avec pour conséquence des concentrations plasmatiques moins élevées du médicament. De ce fait, des concentrations plasmatiques moindres de certains médicaments métabolisés par le CYP1A2 (par ex. clozapine, désipramine, flécaïnide, fluvoxamine, halopéridol, mexilétine, nortriptyline, olanzapine, propranolol, théophylline) ont été constatées chez les fumeurs par rapport aux non fumeurs. C’est surtout l’interaction avec la théophylline qui peut être cliniquement significative. Les gros fumeurs (plus de 20 cigarettes par jour) ont probablement besoin d’une dose de théophylline augmentée de moitié, voire d’une double dose, par rapport aux non fumeurs. Lors de l’arrêt du tabagisme il est important de ne pas négliger les effets indésirables éventuels de la théophylline et d’adapter éventuellement la posologie. Chez les personnes plus âgées, l’interaction est probablement moins importante étant donné que la capacité de leur système enzymatique est déjà diminuée.

Chez les fumeurs, la clairance de l’ héparine peut être accélérée par augmen-tation de la liaison de l’héparine à l’antitrombine-III.

Chez les fumeurs, la résorption de l’ insuline après administration sous-cutanée peut être ralentie par suite de la vasoconstriction cutanée.


Interactions pharmacodynamiques

La plupart des interactions pharmacodynamiques sont probablement dues à l’effet stimulant de la nicotine sur le système cardiovasculaire et le système nerveux central.

Une légère augmentation du risque d’infarctus du myocarde et d’accident cérébro-vasculaire ne peut être exclue avec les contraceptifs oraux [voir aussi Folia de janvier 1998, février 2000 , décembre 2002 ]. Chez les femmes de moins de 35 ans en bonne santé, ce risque est très faible en chiffres absolus. Chez des femmes de plus de 35 ans, le risque absolu s’accroît et l’effet du tabagisme devient plus important. Comme mentionné dans les Folia de décembre 2002 , l’arrêt du tabagisme est le meilleur conseil que les médecins puissent donner aux femmes qui désirent prendre la pilule.

Dans deux études, mais pas dans une troisième, l’effet des β-bloquants sur la tension artérielle et la fréquence cardiaque était moins important chez les fumeurs que chez les non fumeurs.

Certains indices suggèrent que les fumeurs auraient besoin de doses plus élevées de benzodiazépines par rapport aux non fumeurs pour obtenir un effet sédatif comparable.

Les analgésiques narcotiques, dextropropoxyphène et pentazocine, semblent moins efficaces chez les fumeurs.

D’après

  • Roken en interacties met geneesmiddelen Geneesmiddelenbulletin 36 : 85-90(2003)
  • S. Zevin en N.L. Benowitz: Drug interactions with tobacco smoking. An update. Clin Pharmacokinet 36 : 425-438(1999)