Le millepertuis comme anti-dépresseur: état de la question


Abstract

Dans la dépression légère à modérée, les études montrent une efficacité du millepertuis comparable à celle des antidépresseurs classiques à faibles doses, mais ces études présentent différents problèmes. Dans le traitement de la dépression grave, le millepertuis n’a pas de place. Il faut tenir compte en outre des interactions possibles (par ex. avec les anticoagulants oraux, la ciclosporine) et du fait que le millepertuis n’est pas un médicament enregistré.

Le millepertuis a déjà fait l’objet d’un article dans les Folia de décembre 2000 . On y rapporte les résultats d’une étude comparative avec l’imipramine chez des patients atteints d’une dépression légère à modérée, qui ont montré un effet comparable avec les deux substances. L’attention est aussi attirée sur le risque d’interactions avec le millepertuis [voir aussi Folia mars 2000 ], et sur le fait que les préparations à base de millepertuis disponibles pour le moment ne sont pas enregistrées comme médicaments, et que leur qualité ne peut dès lors être garantie.

Le JAMA [285 : 1978-1986(2001)] a publié les résultats d’une étude randomisée, en double aveugle, contrôlée par placebo, d’une durée de 8 semaines, ayant analysé l’efficacité et l’innocuité du millepertuis chez des patients présentant une dépression grave [score ≥ 20 sur l’échelle HAM-D (Hamilton Rating Scale for Depression)]. Les résultats après 8 semaines ne montrent pas de différence d’efficacité (par ex. de différence du score HAM-D) entre le groupe traité par le millepertuis (0,9 g - 1,2 g d’extrait par jour, n = 98) et le groupe placebo (n = 102). En ce qui concerne les effets indésirables, les céphalées étaient le seul effet indésirable qui survenait plus fréquemment dans le groupe qui prenait du millepertuis.

Quelle est la place du millepertuis en se basant sur l’étude parue récemment dans JAMA et sur d’autres résultats parus dans la littérature [e.a. "L’utilisation efficace des antidépresseurs. Revue systématique des données disponibles dans la littérature scientifique". Conférence de consensus du 14 mars 2000 (sous les auspices de l’INAMI, Service des Soins de Santé, Comité d’Evaluation de la Pratique Médicale en matière de Médicaments)]?

  • Des méta-analyses et/ou des études randomisées chez des patients présentant une dépression légère à modérée n’ont pas montré de différence d’efficacité à court terme (jusqu’à 8 semaines) entre le millepertuis et des antidépresseurs tricycliques à faibles doses. Les études comparatives avec le millepertuis, y compris celle discutée dans les Folia de décembre 2000 , ont cependant fait l’objet de critiques en raison des problèmes méthodologiques suivants.
    • Des groupes de patients hétérogènes ont été inclus.
    • Les caractéristiques de l’extrait utilisé, en particulier la concentration en hypericine et/ou en hyperforine, ne sont pas toujours mentionnées. Bien qu’il ne soit pas prouvé que l’efficacité ou les effets indésirables soient déterminés par ces constituants, cette information aurait toutefois permis de comparer les études entre elles.
    • Les études sont de courte durée.
    • Le nombre souvent faible de patients ne permet pas de détecter facilement d’un point de vue statistique des différences importantes entre les groupes.
    • L’antidépresseur avec lequel le millepertuis est comparé est utilisé à des doses trop faibles.
    • Le nombre d’études comparant le millepertuis aux inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine est limité.
  • L’étude publiée dans le JAMA la première étude effectuée chez des patients présentant une dépression grave, ne montre pas d’avantages du millepertuis à court terme par rapport au placebo. Un certain nombre de problèmes ont également été rapportés pour cette étude dans des lettres s’y rapportant publiées par après dans le JAMA [286 42-45 (2001)] .
    • Cette étude a été réalisée chez des patients présentant une dépression grave. L’utilisation du millepertuis chez de tels patients n’a toutefois jamais été un objectif.
    • La teneur en hypericine et/ou hyperforine de l’extrait utilisé dans cette étude n’est pas mentionnée, bien que ces données étaient certainement disponibles.
    • La durée de l’étude est ici aussi limitée à 8 semaines.
    • Il n’y a pas de groupe comparatif avec un autre antidépresseur. C’est fort surprenant étant donné que le sponsor principal de cette JAMA -étude en dispose. Il n’est donc pas certain que la population de patients incluse aurait réagi à un traitement conventionnel.
    • Dans cette étude, une &quotrun-in période&quot avec placebo a été instaurée, c’est-à- dire que tous les patients ont reçu en simple aveugle un placebo pendant une semaine avant le véritable début de l’étude; ceux qui en fin de cette période avaient un score inférieur à 20 sur l’échelle HAM-D étaient exclus de l’étude. L’objectif de cette &quotrun-in période&quot avec placebo est de minimaliser l’influence de l’effet placebo, mais cette technique est controversée.

Les auteurs de l’article du JAMA concluent que les patients présentant une dépression sévère ne doivent certainement pas être traités par le millepertuis.

Il est dommage que les préparations à base de millepertuis ne soient pas enregistrées comme médicament, étant donné que pour les médicaments à base de plantes qui sont enregistrés, la qualité chimico-pharmaceutique au moins peut être garantie [voir article &quotMédicaments à base de plantes&quot dans les Folia de décembre 2000]. Il convient en outre de rappeler le risque d’interactions du millepertuis e.a. avec la ciclosporine, la théophylline, les anticoagulants oraux, les contraceptifs oraux, la digoxine, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et les triptans [voir Folia de mars 2000].