L’acide ursodésoxycholique dans la prise en charge de la cholestase gravidique


Abstract

La place de l’acide ursodésoxycholique (AUDC) dans la prise en charge de la cholestase gravidique n’est pas claire: il se pourrait que le traitement ait un effet limité sur les démangeaisons et les paramètres biochimiques, mais rien ne prouve qu’il améliore la morbidité ou la mortalité foetales. Bien que la "cholestase gravidique" ne soit pas mentionnée dans le Résumé des Caractéristiques du Produit , l’AUDC est souvent utilisé dans cette indication.

La cholestase gravidique survient surtout au cours du dernier trimestre de la grossesse et se caractérise par des démangeaisons sévères. Le diagnostic repose sur les symptômes de démangeaison, l’absence d’éruption cutanée et les paramètres biochimiques (augmentation de la concentration sérique en acides biliaires et augmentation des transaminases). Le pronostic de la cholestase gravidique est bon pour la mère, mais cette maladie est associée à une augmentation de la morbidité et de la mortalité foetales, particulièrement en cas de concentrations en acides biliaires supérieures à 40 μmol/l. Dans le passé, plusieurs médicaments, parmi lesquels la dexaméthasone et l’acide aminé S-adénosyl-L-méthionine, ont été étudiés dans la prise en charge de la cholestase gravidique; ils ne se sont pas avérés plus efficaces qu'un placebo.

La cholestase gravidique est souvent traitée par l’acide ursodésoxycholique (AUDC), un acide biliaire qui modifie la composition de la bile. Il existe cependant peu d’études cliniques étayant l’efficacité de ce médicament dans cette indication. Les auteurs d’une revue Cochrane ont décidé en 2001 que l’on ne disposait pas de suffisamment de données pour recommander un usage généralisé de l’AUDC [ Cochrane Database Syst Rev 2001; 4 Art. No.: CD000493. doi: 10.1002/14651858.CD000493]. Dans une méta-analyse récente, l’AUDC est apparu plus efficace qu’un placebo sur les démangeaisons et les paramètres biochimiques; il n’y avait pas de différences significatives en ce qui concerne les critères d’évaluation se rapportant au foetus [ Gastroenterology 2012; (doi:10.1053/j.gastro. 2012.08.004)]. Dans une étude britannique parue après la date de recherche de cette méta-analyse, l’AUDC à raison de 2 x 500 mg par jour a été comparé à un placebo [ Br Med J 2012; 344: e3799 (doi:10.1136/ bmj.e3799)]. Une diminution de 30 mm sur une échelle visuelle analogique de 0 à 100 mm était définie comme une amélioration cliniquement significative des démangeaisons. Le traitement par l'AUDC n’a diminué l’intensité des démangeaisons que de 16 mm, une différence statistiquement significative mais sans impact clinique important. En raison du manque de puissance statistique, cette étude ne permet pas non plus de se prononcer quant à un effet éventuel sur des critères d’évaluation concernant le foetus.

La question de savoir si un traitement par l'AUDC diminue le risque de problèmes chez le foetus reste donc sans réponse à ce jour; de plus amples études ayant une plus grande puissance statistique sont nécessaires pour y répondre. Dans les études disponibles, aucun problème grave n’a été constaté avec l’AUDC, ni chez la mère, ni chez le foetus. Il n’y avait en particulier pas d’indices d’un risque accru d'effet tératogène, mais l’AUDC était généralement administré en fin de grossesse. Les principaux effets indésirables de l’AUDC consistent en de la diarrhée et des troubles hépatiques réversibles.